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mieux accoutumé pourtant aux lumières tamisées, s’efforcera de rendre, et rendra souvent avec force et charme, les aspects grandioses, plus durs et plus secs, des campagnes niçoises ou romaines. La Côte d’Antibes avec ses paysans dansant à l’ombre des arbres géans, devant l’horizon bleuâtre, la Vue de Spolète, la citadelle étrusque perchée sur ses assises formidables de gradins rocailleux et de tranchées roussâtres, la Cascade de Tivoli, à l’heure où il les peint, prouvent la souplesse énergique avec laquelle il savait trouver une façon personnelle de fixer, virilement, à son tour, le souvenir de sites célèbres, trop souvent représentés avant lui, pour que l’imagination de l’artiste le plus libre ne soit pas hantée par des réminiscences d’œuvres antérieures.

Quiconque examinée loisir l’énorme quantité d’aquarelles. de dessins, soit en feuilles, soit en albums, d’eaux-fortes, de lithographies, de gravures sur bois, de Paul Huet, retrouve partout cette sincérité devant la nature, qui est, d’ailleurs, la vertu maîtresse de toute la génération de Corot, Cabat, Théodore Rousseau, Millet, Daubigny, vertu obstinée et féconde, qu’ils ont presque tous payée d’ailleurs par les misères ou les difficultés de leur vie. Mais on trouvera chez Huet, dans ses belles œuvres, en plus que chez quelques-uns d’entre eux, une émotion profonde, délicate et attendrie, mélancolique et douloureuse, devant les séductions et les grandeurs de cette nature. Rien, pourtant, dans cet esprit sage et droit, où les misères physiques et les souffrances morales ne purent jamais altérer la conception la plus haute et la plus saine de la vie avec tous ses devoirs professionnels et sociaux, rien de ce désordre de sentimens et d’idées qu’on est convenu d’appeler la maladie romantique.

Si cette affection mentale, d’ailleurs fort mal définie, a pu troubler et dégrader, surtout dans le monde littéraire, quelques individualités médiocres ou infatuées, trop faibles pour conserver leur bon sens dans cette effervescence tumultueuse des intelligences enthousiastes, elle n’atteignit du moins jamais les paysagistes, préservés de toutes les contagions déclamatoires par leur commerce constant et forcé avec les réalités saines et simples de la nature et de la vie rustiques. Tous n’ont cessé de protester chaque fois qu’on a, voulu les affubler du titre de romantiques. Ce ne furent, en réalité, que de simples et loyaux artistes,