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naturel, et détermina avec une lucidité puissante le caractère et le rôle de son chef, fluet est un de ceux qui « comprennent tout ce qu’il y avait de poétique et d’élevé dans Claude Lorrain, Poussin, de pittoresque et d’animé dans Turner, » un de ces esprits sérieux et recueillis, amoureux d’impressions profondes et progressives, demandant qu’on les observe mieux. « Il faut donc, avant tout, ramener le paysage à la Nature… C’est ce que M. Huet a voulu et veut encore d’après des réflexions nombreuses et purement personnelles. »

En parlant du même Salon, Jal, si peu tendre aux novateurs, voyant dans Huet un complice de Delacroix, apôtre de la « laideur » et des « formes convulsées, » ne peut néanmoins retenir un cri de justice : « C’est un oseur ! Il n’a voulu ni du moderne paysage historique, ni de la simple et naïve réalité, il s’est fait paysagiste d’expression… Il y a de la lourdeur, de la dureté, de l’uniformité dans ses tableaux, mais avec cela une profondeur, un sentiment, une richesse d’imagination qui étonnent. » Cette fois, la parole des sages ennemis s’associait à celle des amis prudens pour proclamer la vérité.

En 1833, la Vue générale de Rouen est récompensée par une médaille. On admire, à côté, la Soirée d’automne (musée de Lille), la Vue de Saint-Cloud, etc. L’irascible Delécluze, au Journal des Débats, Jupiter trônant et tonnant sur le dernier sommet de l’Olympe déserté, retient presque ses foudres. Il daigne reconnaître chez un débutant, « le jeune Corrot » (sic), de bonnes qualités et chez Huet « de grands efforts. » Mais, à tous deux, il fait le sanglant reproche « de poursuivre la vérité avec trop d’acharnement, » et, particulièrement à Huet, celui de « négliger absolument le dessin. » On sait ce que vaut ce reproche si l’on examine les scrupuleuses analyses, au crayon, à la pointe, à l’aquarelle, à l’huile, d’après des arbres, des rochers, des fleurs, des paysans, faites par le paysagiste pour lequel, comme il le déclare, « aucune étude ne saurait être trop vraie. » Mais Delécluze, comme bien d’autres alors, ne comprenait le dessin que par la ligne et le contour, et non par le modelé et les valeurs.

En 1834, les Vues du château et de la ville d’Eu sont achetées par le Duc d’Orléans, et la Vue générale d’Avignon obtient un grand succès. Cette même année, en septembre, l’artiste épouse Mlle Richomme, sa nièce et son élève. La lune de miel