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PAUL HUET
ET
LE PAYSAGE FRANÇAIS[1]


I

L’un des bienfaits les plus précieux, le plus incontestable assurément que doit notre France à la puissante et féconde explosion du romantisme est l’admiration, émue et studieuse, du monde extérieur. Ce n’est pas que nos ancêtres, en aucun temps, soient restés insensibles aux beautés de la nature et aux charmes de la vie rustique, mais leurs poètes et leurs artistes, dans leurs premières naïvetés, mirent longtemps à trouver un langage assez précis, souple et coloré pour fixer et communiquer des émotions qu’ils ressentaient peut-être aussi vivement que nous. Dès le XIIIe siècle, pas un trouvère, pas un conteur qui n’adresse un salut au joli printemps, et ne promène les aventures, héroïques ou galantes, de ses chevaliers et de ses dames à travers la fraîcheur fleurie des plaines verdissantes ou dans l’ombre des forêts touffues. Mais avec quelles redites banales s’exprime, le plus souvent, cette sensibilité superficielle ! Combien, sous ce rapport, restons-nous en arrière de l’Italie et de l’Angleterre où Dante, Boccace, Chaucer, bien d’autres, savent déjà, en quelques mots, dessiner et peindre un paysage et ses habitans avec une

  1. Paul Huet (1803-1869). D’après ses notes, sa correspondance, ses contemporains. — Documens recueillis par son fils, René Paul-Muet, 1 vol. gr. in-8 illustré ; Henri Laurens.