Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/701

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



Pourquoi, oui, pourquoi sans pitié
Briser tout ce que tu nous donnes ?
Pourquoi, oui, pourquoi sans pitié
Nous laisser nus plus qu’à moitié,
Tels des bois dans le vent d’automne ?…

Ah ! visiteur, doux visiteur
Vêtu de ruses et de charmes,
Ah ! visiteur, doux visiteur,
En paix veut reposer mon cœur
Qui n’est point fait pour tant de larmes ;

Il sait quelle est ta dure loi,
Il te craint d’être jeune et tendre…
Il sait quelle est ta dure loi,
Et que tu laisses après toi
De l’amertume et de la cendre.



RIEN NE SERT…

Rien ne sert de lutter contre ta force, Amour !
Sur le cœur endormi, le cœur aveugle et sourd
Tu planes longuement comme un oiseau de proie…
Puis, les ailes de feu qui couvent notre joie
S’abattent. Rien ne sert de lutter, rien ne sert…
Une fleur a germé sur l’aride désert
Et tu ris en la regardant. Tes yeux sauvages
Sont changeans comme l’eau qui baise les rivages,
Ta lèvre a, tour à tour, un pli tendre ou cruel,
Et ta main qui se plaît au geste habituel
Des caresses, ta main cache une arme perfide…
Et tu veux tout de nous, car l’Amour est avide !
Il te faut tous les sacrifices, tous les dons,
Tous les dépouillemens et tous les abandons ;
Il te faut nos espoirs, nos désirs, nos chimères,
Nos lourdes voluptés, et les larmes amères