Et voici que le ciel met un masque changeant :
On dirait qu’un oiseau fantastique s’éploie,
Que de blondes moissons flambent en feux de joie,
Qu’une invisible main lance un voile de soie
Qui s’enroule et se tord sur des palmes d’argent ;
On dirait qu’un palais fait de marbres fluides
S’embrase, puis se fond dans l’infini houleux,
Qu’un jardin s’est fleuri de lauriers fabuleux,
Que de longs cygnes blancs nagent par des lacs bleus
Où l’aile du caprice a dessiné des rides…
On dirait… on dirait qu’un mauve apaisement
Envahit peu à peu chaque forme précise,
Que dans l’air rafraîchi flotte une brume grise,
Que l’horizon se vêt d’une robe indécise
Dont la traîne de feu disparaît lentement…
Les paillettes de l’eau se meurent une à une ;
Tout est paisible, et doux, et facile, — le soir
Qui rôde va bientôt prendre son ourdissoir
Et tisser un léger, très léger réseau noir
Sous le visage pâle et grave de la lune.