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IX

Guillaume était atrocement soucieux. Il souffrait, comme roi, de cet affront permanent qu’infligeaient, à la législation de Mai, l’Eglise de Rome et une partie du peuple prussien. Mais d’autre part il gémissait, comme chrétien, sur la prépondérance qu’avaient prise, dans l’autre Eglise, dans l’Eglise évangélique de Prusse, les courans nationaux-libéraux. L’élection du prédicateur Hossbach par une paroisse protestante de Berlin soulevait en son âme une sorte d’angoisse : ce prédicateur était connu pour son hostilité à l’orthodoxie. Guillaume souffrait d’un tel choix comme d’un scandale, il écrivait à Roon, à Bismarck, des messages alarmés ; qu’allait devenir son peuple ? qu’allait devenir la foi ? qu’allait devenir son Dieu ? de la négation du Christ, n’arriverait-on pas un jour, demandait-il, « à la suppression de Dieu, comme en France ? » Chacun savait, à la Cour et dans les bureaux, que lorsqu’on voulait émouvoir l’Empereur en faveur des « ultramontains, » on n’avait qu’à lui parler de certains courans libéraux qui se déchaînaient dans l’Eglise protestante : l’été de 1877, durant lequel Bismarck acclamait encore le Culturkampf, aggravait, dans la conscience de Guillaume, la satiété que le Culturkampf lui inspirait. « Personne n’a été content du Culturkampf, déclarait la Gazette de l’Allemagne du Nord, et si le désir souvent exprimé de le voir finir a pris une insistance particulière, c’est à cause des élémens discutables qui s’y mêlèrent, et qui apportèrent dans cette lutte des tendances discutables. » L’empereur Guillaume ne voulait pas capituler devant Rome ; mais de ces « élémens discutables, » il commençait à en avoir assez. Dans les groupemens d’action qu’avaient organisés sur le Rhin certains nationaux-libéraux pour la surveillance des fonctionnaires catholiques, un certain Konitzer s’était longtemps distingué comme un délateur passionné. Sa réputation succombait en août 1877 dans un procès infamant. Guillaume pardonnait malaisément au parti national-libéral de pareilles aventures.

« On a trop libéralisé, » disait-il en octobre au prince de Hohenlohe : et Hohenlohe, toujours halluciné par le fantôme des Jésuites, les soupçonnait de pousser l’Empereur dans une voie réactionnaire. L’Association protestante allemande, dans