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CRAINTES ET ESPÉRANCES POUR L’ART
AUX SALONS DE 1911

Est-il vrai que, pour bien connaître une société, il ne faille pas étudier ses grands hommes, mais ses hommes médiocres, parce qu’ils sont plus « représentatifs ? » En ce cas, c’est avec une attention soutenue qu’il faudrait étudier les Salons de 1911. Ils donnent de l’Art français, à notre époque, une idée moyenne que ne vient déranger aucun chef-d’œuvre et l’on peut, en les parcourant, se former un système de l’Esthétique moderne tout à fait à l’abri des surprises du génie. La plupart des maîtres se montrent inférieurs à ce qu’ils étaient, ces dernières années, ou bien ne se montrent pas du tout. Aucun talent nouveau ne surgit. La masse des talens moyens ne cesse de progresser. Ainsi, ces deux opinions : « Le Salon est meilleur que les années précédentes, » et : « Le Salon est pire, » peuvent également se soutenir, selon qu’on considère, dans une exposition, la somme totale des efforts heureux, des notions acquises, ou bien, au contraire, qu’on tient pour intéressant seulement ce qui est nouveau ou impérieux.

Mais, dans les deux cas, il est facile de tracer la courbe qu’a suivie l’Art français durant cette dernière décade, depuis la halte et l’espèce d’« examen de conscience » que fut, pour tous les arts, l’Exposition universelle de 1900. On voit, dans chaque genre, — art religieux, peinture d’histoire, peinture symbolique, genre, portrait, paysage, art décoratif, — se préciser l’évolution qu’annonçaient les derniers Salons du XIXe siècle. On voit, dans chaque « école » ou chaque « manière, »