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des enquêtes dont leurs successeurs auraient la tâche désobligeante de tirer les conclusions pratiques. Mais ils ne purent rien ignorer des intrigues que M. Pichon a récemment qualifiées à la tribune. Ces enquêtes donnèrent lieu à des rapports dont l’un, rédigé par des inspecteurs des Finances, était d’une nature si édifiante sur certaine gestion qu’on se demande comment il ne donna pas lieu à des sanctions immédiates.

Il est vrai que le gouvernement pouvait abriter ses hésitations derrière les difficultés diplomatiques. Plus de deux ans après l’entente cordiale, la politique anglaise, secondée par celle de l’Italie, nous combattait encore à Addis Ababa. Pour s’en étonner, il faudrait ne pas comprendre que la fin d’une si longue rivalité ne pouvait être imposée en quelques semaines, sur tous les points du globe, aux agens britanniques habitués à considérer le Français comme l’adversaire. Les eaux fortement agitées ne se calment pas comme par enchantement. Cela était d’autant plus vrai en Ethiopie que notre chemin de fer, instrument de toute une politique de consolidation de l’indépendance éthiopienne, était par cela même un élément absolument contraire aux ambitieuses visées d’avenir que sir John Harrington devait nourrir pour son pays, déjà maître de presque tout le bassin du Nil. Et le ministre britannique à Addis Ababa dépendait directement de l’agence du Caire, où l’on ne se sentait pas non plus très disposé à s’inspirer de l’esprit de l’entente cordiale, en particulier sur un terrain où notre action tendait nécessairement à créer un état de choses peu favorable à une nouvelle expansion de l’Empire britannique dans l’Afrique orientale. Sans doute Londres aurait pu imposer plus tôt la discipline de la politique impériale au Caire et à Addis Ababa. Mais pourquoi le Cabinet anglais y aurait-il mis du zèle ? Il n’avait pas à chercher pour nous une interprétation équitable de l’entente cordiale dans une affaire où il voyait le gouvernement français bruyamment combattu par une clique de ses nationaux. Certaines paroles prononcées par des personnages politiques anglais montrèrent qu’on escomptait, outre-Manche, les suites énervantes que pouvait avoir pour la volonté française la campagne d’internationalisation. Il fallut la résistance que cette cabale souleva en France contre elle et aussi toute la louable obstination de notre ambassade à Londres pour remonter le courant. Les raisons qui avaient décidé l’Angleterre à signer l’accord