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du gouvernement égyptien. Il s’agissait ouvertement pour les Anglais de décider Ménëlik à empêcher le passage des armes destinées au khalife d’Omdourman qui avait, à ce moment même, des ambassadeurs auprès du Négous. Mais les Anglais voulaient sans doute aussi contre-balancer l’influence des Français et des Russes qui était alors prépondérante à Addis Ababa, et détourner Ménélik de seconder les petites missions françaises en marche vers le Haut Nil qui traversaient à cette époque le territoire éthiopien. Il se peut que, pour engourdir le Négous, de vagues promesses lui aient été faites par la mission Rennel Rodd en ce qui concerne les territoires nilotiques. Peut-être doit-on trouver l’écho de ce qui venait de se dire à Addis Ababa dans le passage suivant d’un article du Times, de septembre 1897, qui laisse d’ailleurs percer l’arrière-pensée dont s’est toujours inspirée depuis lors la politique anglaise en Ethiopie : « Au-dessus de Khartoum, la vallée du Nil tombe bien dans la sphère d’influence de Ménélik… Jusqu’à quel point une pareille domination peut-elle devenir effective ? Cela dépend du maintien, entre les mains de Ménélik, du pouvoir suprême qu’il s’est assuré sur l’Abyssinie et des dispositions comme de la capacité de ceux auxquels ce pouvoir viendrait ensuite à échoir. » C’était assez clairement exprimer l’idée qu’on pouvait, pour se concilier une puissance capable d’être gênante à ce moment du partage africain, lui faire des concessions que son organisation instable, pour ainsi dire kaléidoscopique, incapable de résister plus tard aux efforts d’une politique avisée et suivie, rendrait nécessairement temporaires. On prête ainsi facilement à un homme dont on estime devoir, par la force des choses, devenir l’héritier.

Jusqu’où les Anglais essayèrent-ils d’aller dans cette voie ? On n’en sait rien, car la mission Rennel Rodd est trop récente encore pour appartenir à la diplomatie dont l’histoire est dès maintenant publique. Il serait intéressant de connaître cette page des négociations d’Addis Ababa, car elle nous montrerait ce que l’Angleterre craignait, espérait et voulait tenter du côté éthiopien une année avant Fachoda. Tout ce qu’on sait avec certitude de la mission Rennel Rodd, c’est qu’elle conclut avec le Négous un traité, du 4 juillet 1897, limitant la Somalie britannique à la zone côtière et reconnaissant à Ménélik le pays de Harrar. Mais les Anglais n’auraient pu se montrer moins modérés dans cette région, car ils avaient été devancés par la France désireuse de