Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/629

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

égyptien et aux Italiens tout le haut plateau éthiopien, sauf les régions méridionales autour des lacs Rodolphe et Stéphanie que ce découpage englobait dans l’Afrique Orientale britannique. Le 5 mai 1894, une nouvelle convention attribuait à l’Italie le Harrar en laissant ce pays en dehors de la Somalie anglaise. Toute l’Ethiopie entrait ainsi théoriquement dans la future Erythrée.

A ces actes sur le papier Ménélik averti répondit d’abord sur le papier. Dès la fin de 4889, dans une lettre qu’il faisait porter par M. Armand Savouré au président Carnot, en vue de se faire reconnaître Négous par la France et d’obtenir la levée, en ce qui le concernait, de l’interdiction du commerce des armes « pour combattre les mahdistes, » il avait déclaré éthiopiens tous les territoires que les accords diplomatiques conclus entre l’Italie et l’Angleterre devaient cinq ans plus tard attribuer à la « sphère » italienne. Et à la nouvelle du premier protocole anglo-italien, Ménélik adressa aux puissances une circulaire dans laquelle il revendiquait pour son empire les limites mêmes qu’il a acquises plus tard et qui enveloppent tout le haut plateau. Il terminait par ces mots : « Je n’ai point l’intention de rester spectateur indifférent si des puissances lointaines se présentent avec l’idée de partager l’Afrique, l’Ethiopie ayant été pendant plus de quatorze siècles une île de chrétiens au milieu de la mer des païens. Comme le Tout-Puissant a protégé l’Ethiopie jusqu’à ce jour, j’ai la confiance qu’il la protégera et l’agrandira aussi dans l’avenir. Mais je suis certain qu’il ne partagera jamais l’Ethiopie entre d’autres puissances. »

A ce manifeste, Ménélik ajoute bientôt tout ce qu’il faut pour ne laisser aucune prise à la politique italienne. Il rembourse les 4 millions empruntés à la Banque de Florence. Le 12 février 1893, il dénonce le traité d’Ucciali. Mais surtout, en prévision du jour où les Italiens voudront passer des théories aux actes, il importe sans relâche de la côte des fusils que le tribut de ses conquêtes gallas, qui ne cessent de s’étendre, lui permet d’acheter en énormes quantités. Cependant Crispi ne paraît pas douter de pouvoir bientôt faire ceindre la couronne d’Erythrée au roi Humbert, qui sera empereur en Afrique comme la reine d’Angleterre est impératrice aux Indes. Il ne se demande pas s’il n’a pas dangereusement acheté à l’Angleterre la peau de l’ours et il va de l’avant. Au commencement de 1895, le général Baratieri