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d’ailleurs ses bonnes dispositions générales envers les étrangers, sont, à vrai dire, antérieures à Ménélik. Le grand-père de ce souverain, Sahlé Sehiassi, avait signé en 1840 un traité d’amitié et de commerce avec Louis-Philippe, par l’intermédiaire de Rochet d’Héricourt, consul de France à Massaouah. Vers la même époque, des initiatives privées se tournaient, dans notre pays, du côté de l’Ethiopie méridionale. Elles ne se découragèrent pas, malgré l’indifférence des pouvoirs publics. C’est sous leur impulsion que la France avait acquis, en 1862, la baie d’Obock qu’elle ne devait occuper qu’en 1883. Dans l’intervalle, des Français aventureux, Soleillet, Denis de Rivoire, Pierre Arnoux, Brémond, avaient affronté la dangereuse traversée du désert des Danakils pour aller commercer avec le roi du Choa, qui renouvela par leur entremise ses relations avec la France officielle : il adressa en 1876 et 1881 des lettres au Président de la République. Ce qu’il demandait surtout à ces étrangers c’était les engins inventés par le génie occidental et principalement des armes. Et tandis que l’Egypte, puis, plus tard, l’Italie s’interposeront entre l’Ethiopie du Nord et la mer, la porte française de la baie de la Tadjoura restera largement ouverte au Choa sur le monde extérieur. Ménélik en aura si bien conscience qu’il voudra voir cette voie modernisée par la construction d’un chemin de fer dont les aventures extraordinaires composent un des chapitres les plus singuliers de l’histoire de la question d’Ethiopie pendant le règne qui est virtuellement fini.

Tout l’équipement qui peut venir de la baie de Tadjoura et dont il a besoin, Ménélik se met à même de le payer par cette politique coloniale que nous indiquions plus haut comme une des sources de sa puissance. Le Choa a eu ses Indes, barbarement exploitées, il est vrai, mais dont la richesse a fait pour une bonne part la force du Négous. A cet égard encore, sa situation excentrique, autrefois dangereuse, lui donne une supériorité sur l’Ethiopie du Nord, dont le plateau s’élève au-dessus des régions moins riches et d’ailleurs soumises à la domination égyptienne. Les Gallas du Sud qui, superficiellement convertis à l’Islam par Mohammed le Gaucher, avaient été un instant une menace pour l’Ethiopie, le roi du Choa les conquiert systématiquement et les force à travailler sur leur riche glèbe pour lui fournir d’abondantes redevances. Cette expansion a peut-être été la partie la plus importante de l’œuvre personnelle de Ménélik. Son étendue