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solaire, lui apparut sous forme humaine. Vêtu de beauté, de force et de lumière, il fulgurait sur un trône de feu. Un taureau et un lion ailés supportaient son trône des deux côtés et un aigle gigantesque étendait ses ailes sous sa base. Autour de lui resplendissaient, en trois demi-cercles, sept Kéroubim aux ailes d’or, sept Elohim aux ailes d’azur et sept Archanges aux ailes de pourpre[1]. D’instant en instant, un éclair partait d’Ormuz et pénétrait les trois mondes de sa lumière. Alors les Kéroubim, les Elohim et les Archanges reluisaient comme Ormuz lui-même de l’éclat de la neige, pour reprendre aussitôt leur couleur propre. Noyés dans la gloire d’Ormuz, ils manifestaient l’unité de Dieu ; brillans comme l’or, l’azur et la pourpre, ils devenaient son prisme. Et Zoroastre entendit une voix formidable, mais mélodieuse et vaste comme l’univers. Elle disait :

— Je suis Ahoura-Mazda, celui qui t’a créé, celui qui t’a élu. Maintenant, écoute ma voix, ô Zarathoustra, le meilleur des hommes. Ma voix te parlera jour et nuit et te dictera la parole vivante[2].

Alors il y eut une fulguration aveuglante d’Ormuz avec ses trois cercles d’Archanges, d’Elohim et de Kéroubim. Le groupe, devenu colossal, occupait toute la largeur du gouffre et cachait les cimes hérissées de l’Albordj. Mais il pâlit en s’éloignant pour envahir le firmament. Pendant quelques instans, les constellations scintillèrent à travers les ailes des Kéroubim, puis la vision se dilua dans l’immensité. Mais l’écho de la voix d’Ahoura-Mazda retentissait encore dans la montagne comme un tonnerre lointain et s’éteignit avec le frémissement d’un bouclier d’airain.

Zoroastre était tombé la face contre terre. Quand il s’éveilla, il était tellement anéanti qu’il se retira dans le coin le plus obscur de la grotte. Alors l’aigle qui nichait au-dessus de la caverne et qui sortait ce matin-là du gouffre, où il avait vainement cherché sa proie, vint se poser familièrement à quelques pas du solitaire, comme si l’oiseau royal d’Ormuz reconnaissait enfin son prophète. Le dos de l’oiseau ruisselait de pluie. Il lissa du bec ses plumes fauves, puis, comme l’astre du jour sortait d’un nuage, il étendit ses ailes pour les sécher et regarda fixement le soleil.

  1. Les Kéroubim s’appellent dans le Zend-Avesta Amschapands, les Elohim des kzeds et les Archanges des Férouers.
  2. Zend Avesta signifie la parole vivante dans la langue zend.