Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Centre le voulait. M. Bebel était fort gêné ; il tenait, lui aussi, ne fût-ce que pour ses électeurs, à déposer quelque motion sociale ; mais eu groupant tous ses coreligionnaires politiques, il n’arrivait pas au chiffre de signatures imposé par le règlement du Reichstag. Alors, coquettement, Windthorst vint à lui, et quelques signatures du Centre s’alignèrent sous le texte rédigé par M. Bebel. La Commission du Reichstag renvoya au gouvernement, pour plus ample examen, la motion de M. Bebel, et négligea celle du Centre ; mais peu importait à Windthorst. On pouvait ensevelir la motion Galen dans les cartons du Parlement, on ne pouvait plus l’effacer de la mémoire du peuple allemand. Elle avait pris place, solennellement, dans le programme catholique : elle avait définitivement consacré la compétence du Centre en matière sociale. L’évêque Ketteler, à la veille d’être surpris par la mort, griffonnait un brouillon sur l’attitude des catholiques à l’endroit des associations socialistes ; le chanoine Moufang sollicitait les congressistes catholiques de Wurzbourg de déclarer la guerre à l’usure, de la combattre par la création de certaines caisses, par la mise en vigueur de certaines lois, par la construction de maisons ouvrières que leurs locataires pussent aisément acquérir. Ainsi la hantise du problème social survivait à l’assaut même des persécutions. Elle suscitait aussi dans l’âme d’un vicaire de Mayence, Frédéric EIz, la pensée de fonder pour les employés de magasins des groupemens semblables à ceux qui existaient depuis longtemps pour les compagnons et pour les paysans ; et dès 1877, ces associations nouvelles sortaient de terre, arbrisseaux aventureux, qui, pour naître et grandir, choisissaient fièrement l’heure des bourrasques.

L’État faisait peser sur les catholiques un ostracisme raffiné, que ne tempérait aucune pitié ; mais les catholiques savaient faire bon usage de cet ostracisme même. Les gestes perpétuels de protestation, les traînées infinies de récriminations, accentuent, plutôt qu’ils ne la réparent, la faiblesse des partis qui s’y abandonnent ; ce n’est pas en s’emprisonnant dans sa mauvaise humeur qu’on parvient à la victoire. Les catholiques d’Allemagne évitèrent ce péril ; ils eurent à porter beaucoup de deuils, mais leur deuil ne les isola pas de la vie. A leur actif travail pour le relèvement populaire, ils joignaient un autre rêve, qui, lui aussi, brava les rafales, avec audace et succès ; ils