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brillaient tous par l’esprit de paix et par la simplicité ? Que de fois on a constaté chez eux le contraire et signalé les contradictions, pleines de cauchemars, des coutumes et des lois et surtout des superstitions des populations les plus arriérées !

Faible et obligé de tout attendre et, aussitôt qu’il le peut, de tout demander, l’enfant de son côté, alors même qu’il cherche à gagner la faveur de ceux qui l’entourent par ses petites ruses si connues, l’enfant, nous paraît moins égoïste. Rendu plus fort par les bienfaits mêmes d’une civilisation toute faite, l’adulte a les moyens d’en user surtout pour lui-même et il en profite : voilà pourquoi on le dit plus égoïste. En réalité, amour de soi et amour d’autrui, désir de profiter pour son bien propre des dispositions qu’on a réussi à provoquer et se laisser aller à son tour à la bienveillance, tout cela se mélange en nous à tous les âges. Les uns sont égoïstes parce qu’ils sont faibles, les autres parce qu’ils sont forts. Heureusement, la faiblesse se sent désarmée, et devant ceux qui la ménagent ou la soutiennent, elle se laisse aller à la reconnaissance, qui est une première forme de l’amour vrai. D’autre part, la force, qui met à même de rendre des services, en donne quelquefois l’heureuse tentation. Beaucoup y cèdent, et ainsi les deux sentimens se mélangent dans les âmes à tous les âges, comme à toutes les époques de l’humanité. Il n’y a point de ces passages si régulièrement aménagés, ni se succédant avec un ordre si arrêté par avance.

Dans l’enfant toutefois se dessinent clairement ces deux mouvemens qui règlent en quelque sorte toute la vie de l’humanité, mais dont l’équilibre est rarement parfait <c le mouvement qui porte les individus comme les races à la différenciation, et le mouvement qui les porte à se rapprocher les uns des autres. L’action propre et spontanée de l’être humain luttant contre des conditions différentes contracte là des habitudes qui s’enregistrent en partie dans l’organisation physique et lui donnent des caractères spéciaux ; mais ces divergences, si anciennes qu’elles puissent paraître en certains cas, elles ont des limites. Ces limites, qui les pose et les maintient, sinon premièrement cette force de rapprochement et d’union qui est l’essence même de la vie de l’espèce ? Avant tout, l’enfant est un être humain, quoiqu’il soit de plus un blanc, un noir ou un jaune, un Français ou un Allemand et ainsi de suite.

L’accord ou l’antagonisme de ces deux tendances dès les