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hasards ? Aurait-il donc le moyen d’expérimenter successivement les effets de tous ces milieux ?

Non sans doute, dira-t-on, car il se trouve tout de suite en présence de la plus récemment atteinte de ces étapes et en contact avec le milieu devenu familier à ses auteurs immédiats ; il s’y accommode sans peine, mais ses états supérieurs qui se succèdent avec rapidité n’en rappellent pas moins la suite des états psychologiques par où ont passé ses lointains aïeux. Ceux-ci ont été lentement, lui va vite ; mais l’ordre de succession subsiste. N’est-ce point là un fait dont il faut savoir se servir ? N’a-t-il pas un égal intérêt pour l’étude naturelle de l’enfant et pour l’étude rétrospective de l’histoire des sociétés humaines ?

Ici, on est très ingénieux, mais non moins conjectural. « La période de timidité organique de l’enfant, dit Baldwin, n’indique-t-elle pas une période purement familiale et monogame où, par instinct de défense et par défiance, on ne cherchait de protection que vers les siens ? L’époque de confiance altruiste de l’enfant ne correspond-elle pas à l’adoucissement que suppose la vie nomade de la tribu, à l’esprit de paix et d’amitié que ce groupement établissait entre les familles ? »

Mais est-il donc prouvé que la famille organisée a devancé partout la tribu ? C’est là évidemment la marche normale et celle qu’ont suivie les peuplades les plus favorisées. Mais quand on a étudié les « primitifs » ou les hommes censés tels, on a remarqué souvent que, du sein d’une sauvagerie qui n’est peut-être elle-même qu’un état secondaire, issu d’épreuves mal surmontées, l’humanité ne remontait pas immédiatement à la famille, ni surtout à la famille monogamique. Elle passait par la promiscuité dans la tribu omnipotente. Il est inutile de reprendre ces controverses dans lesquelles les uns tablent sur une série d’exemples, les autres sur d’autres. Mais ce qu’on peut affirmer, c’est que le développement des différentes races humaines n’a été, en fait, ni si un, ni si régulier.

L’auteur américain veut encore que l’enfant, dans sa confiance innocente qui le porte vers autrui, rappelle des époques de paix et de simplicité, et que la réflexion qui pénètre plus tard dans sa vie reproduise cet égoïsme raffiné provoqué chez les peuples supérieurs par le développement de l’industrie, du commerce et des arts. Encore une fois, c’est là un parallélisme tout à fait artificiel. Où a-t-on vu que les peuples dits primitifs