Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/560

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à des monumens en ruines, et séparés ainsi du milieu social où ils complétaient un ensemble vivant ? Dieu merci ! la nature et la nécessité sont là : grâce à elles, on peut toujours compter sur les retours si fréquens dans l’existence de l’humanité. Mais il ne faut pas se dissimuler que les portraits d’enfans, en peinture, en sculpture, en poésie, ont auprès de beaucoup de gens plus de succès que les enfans eux-mêmes et que dans bien des maisons il y a plus de poupées richement habillées qu’il n’y a de garçons et de fillettes.

C’est cependant dans cet ensemble, dont seul il assure l’avenir, que nous voudrions replacer l’enfant. Les travaux mêmes dont il a été l’objet nous y invitent, car ils ont servi à grouper des questions dont on ne peut méconnaître l’intérêt[1]. Qu’est-ce que l’évolution de ces organismes où revivent les aïeux nous apprend ou nous aide à deviner sur l’évolution de la race humaine ? Qu’est-ce que le développement de leurs facultés nous explique sur le mécanisme des nôtres ? Que lisons-nous dans leurs essais, dans leurs préférences, dans leurs attachemens ? La nature dont nous déchiffrons là l’ébauche est-elle appelée à la spontanéité, au choix, à l’effort personnel, ou n’est-elle faite que pour l’ajustement passif aux conditions du milieu, pour l’imitation, pour la docilité aux suggestions extérieures ? On a longtemps considéré l’enfant comme le principal attrait de la vie collective et comme le ciment des familles. Tout serait-il changé à ce point que son arrivée dans le monde serait devenue, par les craintes qu’elle inspire, un dissolvant du ménage ? Ceux enfin à qui on abandonne le soin d’en faire sortir vaille que vaille des hommes, des citoyens, n’ont-ils à tenir aucun compte du milieu héréditaire ? Peuvent-ils sans témérité les en isoler et leur en inspirer l’oubli ou le dédain ?

Voilà, dira-t-on, de bien graves problèmes entassés sur ces têtes fragiles ! Sans doute ; mais personne ne les a inventés et personne n’est à même de les écarter. Et puis, n’ayons crainte, si nous parlons de lui, l’enfant l’ignore ; toutes nos analyses ne lui feront rien perdre de ses beaux rêves, de ses éclats de rire et de ses escapades.

  1. Parmi les nombreux ouvrages qui composent « la littérature » de l’enfant, il faut signaler ceux de M. Perez, de MM. Compayré, Queyrat, Baldwin, James Sully, Alfred Binet, Ellen Rey, Edmond Cramaussel, F. Nicolay, de Mme Jeanne Leroy.