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scolaire se multipliait, soucieux d’occuper une place d’avant-garde dans la lutte « intellectuelle, » jaloux de se mêler aux agitations politiques, et tout prêt à exiger beaucoup des pouvoirs publics en échange des services émancipateurs qu’il rendait à l’humanité. Des pédagogues experts se plaignaient que la formation morale des enfans et les besognes véritablement professionnelles fussent trop aisément négligées par ces prétentieux novateurs. La presse pédagogique catholique aurait volontiers pris quelque action sur ces récentes recrues ; mais l’Etat la disgraciait. L’inspection scolaire avait, à peu près partout, cessé d’appartenir aux prêtres catholiques : dans le diocèse de Cologne, tous étaient exclus ; dans la Haute-Silésie, par exemple, sur 800 inspecteurs scolaires, il n’y avait plus, en juin 1875, que 28 prêtres. Cinq ans plus tôt, les services d’inspection scolaire coûtaient 60 000 marks ; désormais, les mains laïques auxquelles elle était remise prenaient au budget public 1 170 000 marks. Certains choix provoquaient des plaintes amères : dans le district d’Oppeln, sur 100 inspecteurs des écoles catholiques, 40 étaient vieux-catholiques ; dans le district de Thorn, ce soin était confié 5 un prêtre marié. Windthorst pressentait l’heure prochaine où il ne resterait plus qu’à organiser, à côté des écoles d’Etat, des écoles d’Eglise ; non sans regret, on céderait à cette nécessité.

Mais tandis qu’en d’autres pays, le premier effet de la séparation entre l’Eglise et l’école officielle était de soustraire à l’instituteur l’enseignement religieux, les circulaires prussiennes, au contraire, lui conféraient une sorte d’autorité à demi spirituelle en vertu de laquelle il pouvait distribuer cet enseignement sans en demander licence à l’Eglise. « C’est à vous, parens, s’écriait dès 1874 l’évêque Ketteler, de devenir les maîtres de religion de vos enfans ; vous n’avez pas besoin, vous, pour remplir ce rôle, que l’Etat vous y confirme. » « Aucune mère pieuse, déclarait à son tour Windthorst, ne laissera son enfant rentrer de l’école sans répéter avec lui le catéchisme, pour constater si l’explication donnée est bien conforme à la vieille doctrine… » Alors, du même élan dont ouvriers et paysans se levaient pour défendre leurs prêtres, ils se levaient pour défendre leurs enfans, — leurs enfans qu’ils sauraient bien catéchiser eux-mêmes ; et c’était, dans la vie prussienne, une agitation de plus ; c’était un affront de plus à ces aspirations