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LA GENÈSE
DU
« GÉNIE DU CHRISTIANISME »

I
LES ORIGINES ET LA JEUNESSE DE CHATEAUBRIAND

Il n’y a pas de grand livre que son auteur n’ait longtemps porté en soi, quelquefois à son insu, qui ne soit, pour ainsi dire, la somme de son expérience morale. Et tel est assurément le cas du Génie du Christianisme.


I

« Je suis né, déesse aux yeux bleus, de parens barbares chez les Cimmériens bons et vertueux qui habitent au bord d’une mer sombre, hérissée de rochers, toujours battue par les orages… » Si, un demi-siècle avant Renan, au lieu de rêver sur l’Acropole aux « yeux fermés depuis deux mille ans, » Chateaubriand avait composé une prière à Pallas, il aurait pu adresser à la Vierge d’Athènes ces harmonieuses et justes paroles. Fils de cette Bretagne qu’il a tant aimée, et qu’il a si poétiquement chantée, quelque chose de ce sol où, à chaque pas, le granit affleure, où forêts et landes, jadis surtout, étalaient leur muette tristesse, quelque chose de ces cieux humides et bas, de cette mer presque toujours irritée ou plaintive, oui, quelque chose