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consacrées, pour les déposer dans le tabernacle d’Ohlau. En son absence, le secrétaire du commissaire et un gendarme firent descente dans sa cure, puis à l’église ; ils se firent tout ouvrir par le sacristain docile. Dans le tabernacle, deux hosties furent prises par le gendarme : il les porta chez le Landrat pour les mettre sous les yeux d’un autre prêtre de Zollwitz, que l’évêque avait frappé de suspension, et pour qu’elles fussent dûment reconnues comme provenant de Zollwitz ; et puis, après ce bel exploit qui, dans la pensée du gendarme, n’était sans doute rien de plus qu’un raffinement de procédure, un policier reprit les hosties, les reporta à l’église, les réintégra dans le tabernacle. Interpellé, le ministre Eulenburg répondit que de tels incidens avaient évidemment quelque chose de troublant, mais il refusa formellement de blâmer ces entreprenans perquisiteurs.

En son for intime, Eulenburg, qui n’éprouva jamais un grand enthousiasme pour les pratiques du Culturkampf, devait évidemment trouver malséant que la maréchaussée se fût servie du corps du Christ comme d’une pièce à conviction : mais le gouvernement, captif de la raison d’État, n’osait pas blâmer les actes de déraison qui se réclamaient d’elle, lors même qu’ils la rendaient odieuse. C’était une autre absurdité de considérer comme délinquans les prêtres qui refusaient l’absolution à certains pénitens ; un tel refus n’avait rien de public, et ne tombait même pas, en réalité, sous le coup de la loi de 1873, qui prohibait la publicité des censures ecclésiastiques. Mais les plus hautes juridictions prussiennes, à tous les degrés, crurent devoir condamner, au nom de cette loi, cinq ecclésiastiques qui n’avaient fait qu’user de leur droit de confesseurs ; et lorsque, en 1877, le Centre se plaignit, le commissaire du gouvernement, Lucanus, approuva publiquement cette jurisprudence.

Voilà ce que fait Bismarck, disait toute l’Allemagne catholique, et l’on s’en prenait à lui, si un commissaire chargé d’administrer les biens de l’archevêché de Cologne s’immisçait, par un étrange abus de pouvoir, dans l’administration des paroisses ; à lui, encore, si des magistrats inhabiles poursuivaient l’évêque de Munster et condamnaient son vicaire général Giese sous l’inculpation de détournemens, c’est-à-dire d’un crime de droit commun ; à lui, enfin, si d’innombrables poursuites judiciaires inquiétaient une foule de braves gens qui d’eux-mêmes, sans consulter la prudence de l’Eglise, s’en allaient en pèlerinage au