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ne se voie pas obligé d’aller jusqu’à Fez. Nous espérons encore qu’il ne sera pas forcé d’aller jusque-là pour que, la saison aidant, la ville soit débloquée et le Sultan retrouve la liberté de ses mouvemens. Dans quelques jours, en effet, la nécessité s’imposera aux Marocains d’abandonner le fusil pour prendre la faucille et faire la moisson. L’Allemagne regarde, attend, s’apprête à déclarer, s’il y a lieu, que l’Acte d’Algésiras n’existe plus. L’Espagne supportera difficilement que nous allions au Maroc beaucoup plus loin qu’elle. Il faut donner à tout le monde un gage de notre modération et de notre respect pour les traités. En agissant ainsi, nous aurons rempli tout notre devoir dans les conditions multiples où il se présente. Nos officiers seront sauvés ; les colonies européennes le seront également ; l’avenir sera dégagé des principaux motifs qui nous ont causé tant d’inquiétude. Ce sont là, pour le moment, des résultats qui peuvent nous suffire. Que le gouvernement nous les assure et sache s’arrêter à point. Qu’il ait une politique et qu’il s’y tienne. L’impression générale est qu’il n’en a pas, qu’il en change tous les jours, qu’il se laisse conduire par les circonstances au lieu de les dominer ; en un mot, que cette affaire, si délicate et qui peut devenir si grave, n’est conduite ni avec prévoyance, ni avec fermeté. Voilà pourquoi il y a du malaise dans l’air. Nous ne mettons pas en doute les intentions. Comment n’en aurait-on pas de bonnes ? Tout le monde en a : mais il faut savoir et vouloir. On a l’impression que le gouvernement s’instruit tous les jours à nos dépens ; les leçons de choses ne lui manquent pas ; mais, en attendant, il subit des influences contraires, et sa faible volonté oscille à tous les vents.


Le voyage de M. le Président de la République en Belgique est pour nous un événement heureux. L’accueil qu’a reçu M. Fallières n’a pas dépassé nos espérances, mais elle les a pleinement réalisées, et la France en conservera un long et précieux souvenir. Sous des institutions différentes, les deux peuples poursuivent librement leurs destinées, sans que rien puisse altérer leurs sympathies réciproques ; tout les unit au contraire et il faudrait, soit d’un côté, soit de l’autre, une politique bien maladroite pour les diviser. Aussi lorsque le nouveau roi des Belges, accompagné de la Reine, est venu récemment à Paris, il y a été reçu avec une respectueuse sympathie, et nous sommes heureux de constater, comme nous nous y attendions d’ailleurs, que M. Fallières a trouvé de l’autre côté de la frontière des sentimens analogues. Ils se sont manifestés avec un élan dont la spontanéité ne