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qui, publié dans la Gazette de l’Allemagne du Nord, a attiré, comme il devait le faire, l’attention générale. Tous les journaux allemands ont parlé du Maroc ; quelques-uns l’ont fait avec violence, d’autres avec mauvaise foi ; nous avons eu comme une réédition des polémiques d’antan ; nous aurions pu nous croire rajeunis de quelques années. Mais rien ne prouve que le gouvernement impérial ait partagé ces ardeurs qui sont devenues tout à fait incandescentes dans les feuilles pangermanistes ; tout fait croire, au contraire, qu’il a conservé sa modération. L’article de la Gazette de l’Allemagne du Nord dit en substance qu’il n’y a pas lieu de mettre en doute la sincérité et la loyauté du gouvernement français, mais que les circonstances sont parfois plus fortes que la volonté et qu’elles font naître des obligations auxquelles il est impossible de se soustraire. Si, acculé à des obligations de ce genre, le gouvernement français s’y conformait, il semble bien que le journal allemand le verrait sans indignation, peut-être sans étonnement ; mais alors, dit-il, violé par la France, l’Acte d’Algésiras n’existerait plus pour personne et chacun reprendrait sa liberté. Que ferait l’Allemagne de la sienne ? La Gazette de l’Allemagne du Nord ne le dit pas, et ce silence a permis de tout supposer. On s’est demandé si l’Allemagne réclamerait une compensation aux progrès que nous aurions pu faire, et quelle serait cette compensation ; ou encore si elle provoquerait la réunion d’une nouvelle conférence. Toutes ces questions sont évidemment prématurées. Un journal pangermaniste viennois s’est exprimé à ce sujet dans les termes les plus brutaux ; il a fait entrevoir que l’Allemagne exigerait une compensation territoriale ; il a annoncé comme certain qu’elle s’opposerait, à la fin de l’année, au renouvellement des pouvoirs de police dans certains ports qui ont été attribués à l’Espagne et à nous. La Gazette de l’Allemagne du Nord a fait justice elle-même de ces exagérations : elle s’en tient à ce qu’elle a dit et il y a tout lieu de croire que ce qu’elle a dit est l’expression adéquate de la pensée du gouvernement impérial. A cela nous n’avons rien à reprendre. Mais, pour être complet, il faut ajouter que, depuis ce moment, la Gazette de l’Allemagne du Nord a publié une note désobligeante pour nous, empreinte d’un sentiment peu courtois, et où il est impossible de ne pas reconnaître une manifestation de défiance. Le gouvernement de la République a communiqué depuis quelques jours à la presse les indications qu’il recevait de notre consul à Fez sur la situation de la ville. Cette situation y est présentée comme inquiétante ; les vivres se raréfient ; les tribus sur lesquelles on comptait deviennent hostiles ;