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marocaine n’était pas indépendante de plusieurs autres et qu’on ne pouvait pas la résoudre isolément, en quelque sorte in abstracto. Toutefois, et pour mettre nos lecteurs à l’aise, nous leur dirons que, quand bien même les autres puissances se désintéresseraient du Maroc et nous y laisseraient faire tout ce qui nous plairait, nous n’aurions rien à changer aux observations qui précèdent. Les difficultés principales de la question marocaine tiennent à la question elle-même, et, si elles peuvent être aggravées par l’attitude de quelques puissances à notre égard, elles n’en existent pas moins en soi. Personne ne peut empêcher le Maroc d’être un pays que sa géographie d’une part, et de l’autre, et surtout, la race barbare, énergique, courageuse, qui l’habite rendent si difficile à pénétrer. Il est d’ailleurs si parfaitement anarchique qu’il n’a jamais pu être soumis qu’à une autorité partielle et intermittente. Et cela depuis la plus haute antiquité : la situation s’est présentée aux Romains comme à nous. Dès lors, la sagesse aurait consisté à y étendre peu à peu notre influence : le temps y travaillait pour nous. Depuis nos arrangemens avec l’Angleterre, nous n’avions plus à lutter contre une rivalité traditionnelle : aucune autre, pas même celle de l’Allemagne, ne pouvait s’y substituer avec des moyens d’action aussi redoutables pour nous. Mais nous parlons dans l’hypothèse où, médiocrement incommodés par la barbarie qui régnait au Maroc, nous n’aurions pas prétendu l’initier du jour au lendemain aux bienfaits de la civilisation. Lorsque nous avons eu cette prétention, généreuse à coup sûr, d’autres sont venus pour profiter de la transformation qui allait se produire par nos soins, et notre politique, qui avait eu pour objet de nous réserver le Maroc comme une annexe naturelle de l’Algérie, a eu pour conséquence de l’ouvrir à tous. Il faut faire ici une exception pour l’Espagne ; jamais nous n’avons méconnu les intérêts matériels et moraux qu’elle a au Maroc ; sa glorieuse histoire lui donnait, à côté des nôtres, des droits que nos arrangemens directs avec elle se sont appliqués, dès le premier moment, à respecter et à consacrer ; la nature même des choses nous a associés à la même œuvre et, en dépit de nuages passagers, nous espérons bien rester toujours d’accord. Mais, l’Angleterre une fois désintéressée, nous comptions sur l’assentiment des autres puissances.

Gardons-nous pourtant d’exagérer. Si toutes nos espérances, tous nos désirs n’ont pas été réalisés, il serait inexact de dire que nos intérêts aient été sérieusement compromis. Ceux qui le croient et qui font remonter le mal à l’Acte d’Algésiras se trompent tout à fait. Sans