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peut-être seront-ils très modifiés quand paraîtront ces lignes. Essayons toutefois de le faire sommairement.

Fez est assiégé par des forces nombreuses. La situation y est grave, incontestablement : à supposer même qu’elle ne le soit pas autant qu’on l’a dit à certains jours, elle l’est assez pour justifier toutes les préoccupations. La ville est heureusement défendue par ses fortifications ; elle le serait insuffisamment par les troupes du Maghzen. Elle l’est aussi par les instructeurs français, munis d’artillerie, à la tête desquels est le colonel Mangin dont tout le monde s’accorde à reconnaître les mérites ; mais, quelles que soient son intelligence et son énergie, on tremblait et on continue de trembler pour lui. Il y a quelques jours, le commandant Brémond était à trente-cinq ou quarante kilomètres au Nord-Ouest de Fez : dans cette position, il rendait le service d’immobiliser à une certaine distance de la ville des troupes rebelles qui, sans cette diversion, seraient venues battre ses murailles. On tremblait aussi pour lui ; on se demandait si cette poignée d’hommes résisterait longtemps à l’assaut dont elle était l’objet ; elle était composée de soldats peu sûrs, très susceptibles de se débander, s’ils étaient mal armés et mal payés, et on croyait savoir que les ressources du commandant Brémond s’épuisaient rapidement. Une chance lui restait d’être ravitaillé ; un Français, M. Boisset, gérant de notre agence consulaire d’El-Ksar, en était parti pour lui apporter ce qui lui manquait. Atteindrait-il son but ? Pendant plus d’une semaine cette incertitude a fait vivre la France dans une véritable angoisse. Un jour enfin, est arrivée une nouvelle inattendue : par ordre du colonel Mangin, le commandant Brémond avait abandonné ses positions et, sans attendre M. Boisset, s’était replié sur Fez. Ici nous nous bornons à exposer des faits et nous nous gardons bien de porter un jugement sur des ordres et sur des mouvemens militaires qui échappent à notre compétence. Il faut regretter toutefois que le commandant Brémond n’ait pas pu attendre M. Boisset vingt-quatre heures de plus. Autant qu’on puisse en juger, l’intention du colonel Mangin a été de réunir toutes ses forces pour tenter une sortie qui aurait débloqué Fez ; s’il ne l’a pas fait, il faut sans doute attribuer cette inertie à l’état de fatigue, peut-être même à la diminution numérique de la petite troupe commandée par Brémond. A partir de ce moment, le Sultan n’a plus compté que sur un secours venu du dehors, et il a demandé aux autorités militaires françaises d’aider au recrutement et à la prompte organisation d’une mehalla de 3 000 hommes environ, qui partirait de la Chaouïa et marcherait