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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Depuis quelques jours, toutes les préoccupations se portent vers le Maroc. On se demande ce qui s’y passe, on ne le sait pas au juste, les nouvelles sont alarmantes, mais confuses, et le gouvernement semble à la merci de chaque incident, sans méditation antérieure, sans règle fixe, en un mot sans politique. Il ne voulait certainement pas faire au début ce qu’il est en train de faire aujourd’hui, et c’est ce qui inquiète pour demain, en vertu du vieux proverbe qu’on ne va jamais aussi loin que lorsqu’on ne sait pas où l’on va. Le gouvernement ne voulait pas aller à Fez, et il y va. Qu’arrivera-t-il ensuite, et quelles seront les conséquences, soit marocaines, soit européennes, des événemens ultérieurs, aucun prophète ne se risquerait à le dire.

Comment, en si peu de temps, en sommes-nous venus à ce point ? On aurait de la peine à le comprendre, si on ne savait pas, — mais tout le monde le sait, — qu’il y a en France, aussi bien d’ailleurs que dans tous les autres pays, deux politiques en présence, soutenues par deux groupes d’hommes très divers de caractères et de tempéramens. L’une consiste à ne pas voir une seule question isolée des autres, mais à les considérer toutes dans leur ensemble, à les limiter, à les modérer, à les tempérer les unes par les autres, enfin à ne s’engager à fond dans aucune sans s’être assuré que des négligences ou des oublis fâcheux ne feraient pas tourner l’affaire en aventure. La même politique s’attache, quand elle traite une question, à s’entourer d’avance de tous les renseignemens qui peuvent en éclairer les détails et à mesurer exactement l’entreprise aux forces qu’on peut y appliquer immédiatement. Mais il y en a une seconde qui, dédaignant toutes ces précautions, estime qu’il faut aller de l’avant et que, une fois dans l’action, on se débrouillé. Les partisans de cette dernière politique trouvent toujours des prétextes et des