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d’intimider un jour les électeurs du Sacré-Collège et de surprendre leurs votes, par exemple, en faveur du cardinal de Hohenlohe ? Des théoriciens comme Bluntschli pouvaient, du fond de leur cabinet, expliquer dans quelques prétentieuses consultations que les Etats, à l’issue du prochain conclave, ne devaient reconnaître le Pape qu’après lui avoir imposé une capitulation, par laquelle il se soumettrait à leurs désirs, pareille à celle qu’autrefois les électeurs du Saint-Empire faisaient signer à l’Empereur. Mais Doellinger souriait d’une telle idée : les catholiques, disait-il, « appuieront toujours le nouveau pape ; et le temps est loin où les gouvernemens pouvaient s’unir pour coiffer de la tiare un Clément XIV. » De ce côté-là, encore, Bismarck, ce Bismarck qu’avait si longtemps courtisé la victoire, devait laisser toute espérance.


III

Alors il tendait l’oreille, épiant avec quelque impatience les manifestations des membres du Centre ou des « chapelains boutefeux, » pour y saisir quelque demande de trêve. Mais il écoutait en vain.

La plume pondérée de Pierre Reichensperger écrivait toute une brochure, en février 1876, pour dissiper les illusions étourdies qui escomptaient une capitulation. Deux opuscules de l’évêque Ketteler remettaient sous les yeux des catholiques la preuve que les lois de Mai étaient inacceptables, qu’elles visaient à la protestantisation de l’Eglise, qu’elles étaient mauvaises en leur essence : donc, pas de transactions ! Le Vatican a perdu la partie, ricanait la Gazette de Cologne. Mais alors, du haut de la tribune, un jour de mai 1876, Schorlemer-Alst ripostait : « La partie a été engagée par M. de Bismarck. Oui, c’est bien une partie, où l’on a mis en jeu les plus hauts intérêts de mes coreligionnaires et la paix de mon pays ; c’est une partie que je qualifie de coupable. » Quant au résultat, Schorlemer rappelait ces amusemens d’enfans, qui, pour se donner le plaisir de voir le monde à l’envers, se penchent et regardent à travers leurs jambes. « C’est en regardant à travers les jambes de M. de Bismarck, s’écriait-il, qu’on en vient à croire que la victoire est du côté du gouvernement. Vaincre, ce n’est pas terrasser par la violence brute ; vaincre, ce serait gagner à ses convictions la majorité