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que le courage. A l’occasion du baptême du feu, qu’un de ses cousins a vaillamment subi sur le champ de bataille du Schleswig, elle écrit le 10 avril 1849 : « Je pourrais, si je me laissais aller, arriver à un état de grande exaltation au sujet de ces exploits, car il n’y a rien que j’admire plus que la valeur militaire et la bravoure. » Il n’y a pas d’homme pour qui elle ait eu le même culte que pour Wellington.


17 septembre 1852. — Pour le pays et pour nous, sa mort, bien qu’elle n’ait pu longtemps être retardée, est une perte irréparable ! Il était l’orgueil et le bon génie de mon pays ! Il était le plus grand homme que l’Angleterre ait jamais produit, le plus dévoué et loyal sujet, le plus ferme soutien que la Couronne ait jamais eu. Ce fût pour nous un ami sincère et bon, et un très précieux conseiller. Que tout cela soit fini, que ce grand immortel appartienne maintenant à l’Histoire et non plus au présent : c’est une vérité que nous ne pouvons pas admettre.


Auprès du génie de Wellington, la gloire d’un Shakespeare, d’un Bacon, d’un Shelley n’est rien aux yeux de Victoria. Leurs noms, d’ailleurs, ne figurent ni dans sa correspondance, ni dans son journal.

Certes, elle a apprécié les représentations de l’Opéra Italien ; mais les spectacles qui lui ont inspiré les émotions les plus vibrantes et les larmes les plus nombreuses sont encore le défilé de ses troupes et la revue de ses escadres. « C’est dans ces immenses murs de bois que notre vraie grandeur réside, et je suis fière de penser qu’aucune autre nation ne peut, sur ce terrain, rivaliser avec nous…, » écrit-elle le 7 mars 1842. Le « départ de sa noble flotte pour la Baltique, » le 14 mars 1854, « est un spectacle magnifique qui ne s’effacera jamais de sa mémoire. » Rasant l’Enchantress, les vaisseaux défilent, l’un derrière l’autre « toutes voiles dehors. » « Et de chaque bord, montent, à trois reprises, de chaleureuses acclamations, comme seules, je crois, peuvent en pousser les marins anglais. » Peu de jours auparavant, « le départ du dernier bataillon des gardes, les Fusiliers Ecossais, » l’avait émue aussi profondément.


Nous les avons regardés du balcon par une superbe matinée. Le soleil se levait derrière les tours de la vieille abbaye de Westminster. Une foule immense s’était assemblée pour admirer ces beaux hommes et les acclamait longuement, tandis qu’ils se frayaient difficilement un chemin. Ils se mirent en ligne, présentèrent les armes, nous acclamèrent avec beaucoup d’ardeur, et continuèrent à nous acclamer jusqu’à ce qu’ils eussent