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à signer. Car, en poussant les conséquences à l’extrême, la loi obligerait la Reine à revêtir de sa griffe la lettre de service des officiers, et ils pourraient avoir le droit de revendiquer devant les tribunaux la propriété que le texte du Parlement leur a conférée, si, pour une raison ou pour une autre, la Couronne venait à trouver qu’une nomination avait été faite à tort.


L’établissement du concours constitue une atteinte aux prérogatives royales. Plus menaçante encore est l’institution d’une enquête parlementaire sur les opérations militaires en Crimée. « Il est évident que, si les officiers de la Reine sont jugés par une Commission de la Chambre des Communes quant à la manière dont ils ont accompli leur devoir devant l’ennemi, le commandement de l’armée est immédiatement retiré à la Couronne et remis à cette assemblée (16 février 1856). »

Si Victoria a bataillé, avec autant d’énergie, sinon pour empêcher, du moins pour retarder l’intervention du pouvoir élu dans la distribution de ses décorations, dans le recrutement de ses fonctionnaires, dans la direction de son armée, c’est qu’elle considère comme un devoir de résister à ces empiétemens. Se taire serait une lâcheté : le mot est d’elle. Si le domaine législatif échappe à son contrôle, elle a du moins la mission de maintenir intact le rôle social, administratif et militaire de la Couronne. Cette mission est sacrée : y manquer serait pécher gravement devant Dieu. Les chances de victoire sont bien réduites. Le labeur est écrasant. La lassitude vient. Victoria refoule avec horreur ces paresseuses suggestions. Il ne faut pas se dérober. Il est interdit de se résigner. On doit lutter. C’est le devoir. Dieu le veut.

Il est possible, maintenant, de comprendre le caractère de cette énergique autorité : « Lorsqu’elle vous fait baisser pavillon, écrivait le doyen Stanley, avec son it must be, il faut qu’il en soit ainsi ; je ne sais si c’est Elisabeth, ou si c’est Victoria qui parle. » Comme Elisabeth, mais dans un cadre plus restreint, elle crut à l’origine divine de son devoir monarchique.

Comme Elisabeth, et à un degré au moins égal, elle eut la passion des choses militaires.

Elle revendiquait comme un honneur le titre de « Fille de soldat. » Il n’y a rien au monde qui l’ait plus enthousiasmée