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largesses trop fréquentes risquent, en diminuant leur valeur, de léser ainsi un droit monarchique. « La Reine voudrait qu’il fût bien entendu que les deux sheriffs n’ont aucun droit à être faits chevaliers, chaque fois qu’elle se rendra dans la Cité (15 juillet 1851). » « Quant à la liste des décorations pour le Bain, la Reine est un peu étonnée de sa longueur. Avant de l’approuver, elle croit à propos de demander des explications sur les services rendus par les officiers, et les raisons pour lesquelles ils ont été choisis (9 novembre 1856). » Lorsque la Compagnie des Indes Orientales veut en octobre 1848 décerner aux troupes des médailles commémoratives, ou quand le Parlement réclame des renseignemens sur les rubans conférés, Victoria proteste avec une égale vivacité.


14 février 1856. — La Reine a vu, dans un compte rendu de la Chambre des Communes, qu’on a demandé la liste des décorations du Bain conférées depuis la guerre. La Reine espère que le gouvernement ne permettra pas que la Chambre des Communes empiète sur les prérogatives de la Couronne au point de s’arroger maintenant, en fait, le droit de contrôler la distribution des honneurs et des récompenses.


« Les prérogatives de la Couronne. » Victoria a toujours la formule au bout de sa plume. C’est toucher à « sa prérogative » que de ne plus lui demander de signer les lettres de service des officiers : on va dénouer un des liens « qui unissent la personne du Souverain et l’armée (14 juillet 1848). » C’est empiéter sur ses droits, que de modifier la liste des promotions honorifiques d’officiers à brevet[1] (3 octobre 1849). C’est méconnaître ses pouvoirs que d’accorder aux fonctionnaires et aux officiers la propriété de leurs grades.


29 juillet 1858. — Il est difficile à la Reine de rester passive et par simple manque de courage de s’associer aux plus graves empiétemens sur ses droits, dont l’histoire fasse mention. C’est à l’introduction dans la législation du principe suivant lequel la Reine n’est plus la source de toutes les nominations mais qu’elles sont la propriété d’individus munis d’une délégation du Parlement, que la Reine se croit obligée de résister. La motion de lord John Russell et le discours de sir James Graham n’ont trait qu’aux agens civils, mais, après que leur amendement eut été adopté, lord Stanley céda aussi à sir de Lucy Evans pour une partie des promotions militaires… L’application du principe à l’armée réduit le Souverain au rôle de machine

  1. Officier à qui on accorde le titre de lieutenant-colonel, de major ou de capitaine avec la solde du rang inférieur.