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démarches, donna à Gouvion Saint-Cyr l’ordre formel de chasser de Naples les Russes et les Anglais. Le 14 décembre, il manda à Talleyrand qui préparait les conditions de la paix avec l’Autriche, en négociant à Brünn, Vienne et Presbourg, de ne point parler de Naples et d’en finir au plus tôt avec la Prusse qui ne se mêlerait point des affaires d’Italie, reconnaîtrait le Tyrol à la Bavière et contracterait, moyennant le Hanovre, avec la France toute espèce d’alliance voulue. « Une fois tranquille sur la Prusse, disait-il, il n’est plus question de Naples. Je ne veux point que l’Empereur s’en mêle et je veux enfin châtier cette coquine ! »

Le 23 décembre, accentuant son langage, Napoléon écrivait à Talleyrand au sujet du traité de paix prêt à être signé : « Je vous recommande expressément de ne point parler de Naples. Les outrages de cette reine redoublent à tous les courriers. Vous savez comment je me suis conduit avec elle et je serais trop lâche si je pardonnais des excès aussi infâmes envers le peuple. Il faut qu’elle ait cessé de régner. Que je n’en entende point parler absolument ! Quoi qu’il arrive, mon ordre est précis : n’en parlez pas ! »

Le 20 décembre, l’Empereur fait insérer au Moniteur ce terrible Bulletin : « Le général Saint-Cyr marche à grandes journées sur Naples pour punir la trahison de la Reine et précipiter du trône cette femme criminelle qui, avec tant d’impudeur, a violé tout ce qui est sacré parmi les hommes. On a voulu intercéder pour elle auprès de l’Empereur. Il a répondu : « Les hostilités dussent-elles recommencer et la nation soutenir une guerre de trente ans, une si atroce perfidie ne peut être pardonnée ! La Reine de Naples a cessé de régner. Ce dernier crime a rempli sa destinée. Qu’elle aille à Londres augmenter le nombre des intrigans et former un comité d’encre sympathique avec Drake, Spencer, Smith, Taylor, Wickham ! Elle pourra y appeler, si elle le juge convenable, le baron d’Armfeldt, MM. de Fersen, d’Antraigues et le moine Morus ! » Napoléon énumérait tous ceux qui, de près ou de loin, s’étaient acharnés contre lui et avaient ourdi des intrigues ou des complots pour essayer de le renverser. Il montrait en même temps leur impuissance et châtiait une reine orgueilleuse en la confondant avec des folliculaires, ses pires ennemis. Décidé à arracher pour toujours les Deux-Siciles aux Anglais, ayant condamné les Bourbons de