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tranquilles et de nous voir ôter le poids de cette armée française qui nous ruine, désole et corrompt nos provinces. Au reste, que ce soit Louis XVIII ou Napoléon Ier qui règne sur la France, cela m’est égal, pourvu que cette France ait des limites qui ne lui donnent pas l’entière prépondérance sur le reste de l’Europe et que l’Italie ne reste pas sa province ! Voilà mes souhaits ! »

Elle ne peut dissimuler la fureur que lui cause le titre de roi d’Italie pris par « le Corse. » Cela est bien dangereux avec un homme aussi entreprenant. Que ne veut-il pas ? Le voici qui exige maintenant la liste des émigrés résidant à Naples ! Elle se récrie et jure que, sauf les empoisonneurs et les faux monnayeurs, elle ne lui livrera pas un chat ! « J’aimerais mieux descendre du trône et quitter la couronne que, pour la conserver, me faire le suppôt de la police de l’Empereur moderne ! »

Elle se répand en violentes invectives contre celui qui a tué le duc d’Enghien, parce que les troupes étaient attachées à ce prince. Elle le croit capable de tout. « Qu’il nous laisse donc en repos sans nous tourmenter ! Je ne cabalerai point contre lui et même penserai aussi peu à lui que je pense à Tibère, à Néron, à Caligula et autres semblables, mais qu’il me laisse en repos ! Jamais je ne serai ni l’amie, ni la vile adulatrice de l’homme qui fait notre malheur ! » Puis, comme effrayée de ce qu’elle vient d’écrire : « Brûlez ma lettre ! Pensez qu’on est exposé à tout avec un monstre vindicatif, ambitieux, furieux comme le cher Empereur ! »

Celui-ci ne s’était pas laissé étourdir ou tromper par les protestations de fidélité de la reine de Naples, et s’inquiétait peu de ses récriminations. Il dédaignait une méthode devenue banale chez elle et qui consistait à nier, à récriminer et à protester. Il connaissait sa faiblesse et sa fausseté. Tant que l’administration, au lieu d’être franchement napolitaine, serait anglaise ou russe, il n’y aurait de sa part aucune confiance et il prédisait de nouvelles infortunes. Marie-Caroline avait reconnu le nouvel Empereur, mais elle aurait voulu qu’il rentrât « dans les limites du dernier roi massacré ; c’était l’unique moyen, disait-elle, de rester avec sûreté et tranquillité sur son trône usurpé et de devenir ainsi le pacificateur général. » Ce qu’elle n’accepte pas, c’est que la Cour de Naples soit considérée officiellement comme « alliée et confédérée de la France, » honneur dont elle ne veut ni pour le