Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

post-scriptum joyeux, c’étaient des félicitations à la Prusse ; il lui semblait que l’État triomphait. Et pour consommer la victoire, Hartmann indiquait à l’opinion publique deux nouveaux détails, sur lesquels sans retard on devait légiférer ; il demandait que les évêques fussent désormais élus par le peuple et investis par l’Empereur, et que l’Etat supprimât le célibat des prêtres et réservât aux curés mariés la jouissance des bonnes prébendes et le droit de confesser les femmes.

« On a eu tort de se brouiller avec tous les évêques, disait au contraire Doellinger ; peut-être un jour, pour faire la paix avec eux, l’État pourrait-il admettre la présence de commissaires épiscopaux dans les jurys chargés d’examiner les prêtres ; » et Doellinger, qui n’était, lui, ni content ni rassuré, commençait à dire qu’on faisait fausse route à Berlin et que le gouvernement prussien ressemblait à un homme qui s’aventure dans un fleuve sans en connaître la profondeur et qui rencontre, à chaque moment, des gouffres imprévus.

Hartmann demeurait une exception, et beaucoup d’Allemands inclinaient à penser comme Doellinger.

Des voix s’élevaient pour se plaindre que les prisons, devenues l’asile adoptif des prêtres, eussent perdu leur caractère infamant, que dans les esprits la notion de délit fût désormais brouillée ; que dans les consciences le sentiment du droit s’oblitérât. D’autres voix accusaient Bismarck de travailler contre la royauté en tuant dans le peuple le respect du clergé : le reproche s’étalait dans un roman de Spielhagen : Le cyclone (Sturmfluth), publié en 1876. « Aujourd’hui ce sont les catholiques que Bismarck persécute, demain ce seront les protestans, lisait-on dans ce livre. Or, sans les prêtres, pas de Dieu, pas de royauté par la grâce de Dieu. »

Pour l’amour du droit, pour l’amour du Roi, on commençait de maudire le Culturkampf. D’autres observateurs, plus terre à terre, faisaient des calculs et dressaient des bilans ; ils évaluaient le tort que faisait à une ville le départ de ses religieux, ou bien le poids qu’ajoutaient au budget les offices nouveaux créés pour l’application des lois du Culturkampf. Ils parlaient en esprits pratiques, et leur parole était un murmure. Tout de suite le gémissement des âmes charitables leur faisait écho, âmes nobles et naïves, peu curieuses de chiffres, et qui considèrent comme la plus belle attribution de l’État la lutte contre