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consulte volontiers l’oncle célibataire ou le professeur de géographie coloniale qui savent le pourquoi de la supériorité des Anglo-Saxons. Le conseil est péremptoire : « Votre fils n’est bon à rien, faites-en un colon. » La Tunisie, — vingt-huit heures de Marseille, — est vite choisie, un petit capital rassemblé, et le jeune homme étonné promu, comme on disait, pionnier de la civilisation. Il va reconnaître son bordj, dans l’intérieur, puis un an ou plus, suivant les ressources et la crédulité familiales, on le verra six jours sur sept, à Tunis, humer les cocktails au Bar Américain, ou promener son costume khaki et ses bottes jaunes sur l’Avenue de France, que ses aînés arpentaient, dit-on, carabine en bandoulière. La famille se renseigne, coupe les vivres, et la Tunisie compte un colon de moins.

L’industriel tunisien, autre client du chemin de fer. C’est un homme dont fréquemment la compétence est universelle ; il le faut bien, car l’industrie tunisienne, encore à ses débuts, et d’ailleurs desservie par l’absence de gisemens houillers, nourrit inégalement ses fidèles. Aussi tel passe pour industriel qui est surtout prospecteur de mines, lanceur d’affaires, homme politique, voire journaliste. Si l’on excepte quelques grosses entreprises solidement assises, beaucoup d’affaires tunisiennes ont présenté l’exemple de variations brusques de prospérité. L’industrie métallurgique est à sa période d’essai : l’obligation de faire venir son combustible d’Europe la limitera vraisemblablement au traitement des minerais chers, et lui rendra toujours difficile l’établissement de hauts fourneaux. L’industrie de constructions métalliques fait preuve de plus de vitalité. Installée à Tunis, elle trouve à s’alimenter dans les grands travaux publics du Protectorat. Quant à l’industrie extractive, c’est elle qui fournit le plus clair des recettes des chemins de fer. En 1910, plus de treize cent mille tonnes de phosphate transportées par la Compagnie de Gafsa et la Compagnie Bône-Guelma et environ quatre cent mille tonnes de fer et de minerais divers transportées par la seule Compagnie Bône-Guelma, donnent un aperçu de sa prospérité, qui est croissante.

L’appoint que les richesses naturelles du pays fournissent aux Compagnies tunisiennes de chemins de fer ne leur fait pas négliger une autre marchandise précieuse que les grands réseaux d’Europe et d’ailleurs s’efforcent aujourd’hui, par toutes les