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l’éloignement de la Métropole. Le Français détient à peu près tous les emplois supérieurs et moyens qui répondent aux besoins spéciaux du chemin de fer. Il est mécanicien, chauffeur, conducteur, facteur, chef d’équipe. La catégorie des ouvriers d’ateliers comprend bon nombre d’étrangers, principalement italiens. Enfin la plupart des emplois qui utilisent sous sa forme la plus élémentaire l’activité du manœuvre (terrassiers, poseurs de la voie, etc.) vont à des indigènes. Le petit monde du chemin de fer reflète l’image complexe de la population tunisienne, sorte de pyramide de races dont la base indigène et le sommet français laissent place, entre eux deux, à dix-neuf nationalités différentes.

Un principe domine l’organisation sociale en Tunisie : la main-d’œuvre française y est payée plus cher que la main-d’œuvre étrangère, principalement italienne ; celle-ci remporte à son tour comme prix sur la main-d’œuvre indigène. Dans le même atelier, un ouvrier forgeron français gagnera de cinq à six francs, étranger de quatre à cinq francs ; indigène, il sera payé trois francs. Mêmes différences de taux pour tous les emplois qui peuvent être confiés à l’une des trois catégories de travailleurs. Toutes les causes qui influent généralement sur le taux des salaires concourent à maintenir cette échelle à trois degrés : la main-d’œuvre française est la moins nombreuse ; à travail égal, son rendement est de qualité supérieure ; le niveau d’existence du Français, le coût de son entretien est enfin plus élevé que celui d’un Sarde ou d’un Calabrais transplanté eu Tunisie, et surtout que celui d’un indigène qui y est né. Là, comme ailleurs, le salaire tient forcément un certain compte des besoins que le salarié regarde comme correspondant à son minimum d’existence. Le Français dépense plus : il est aussi mieux payé.

Français, Italien ou indigène, l’agent du chemin de fer doit à sa situation des avantages spéciaux qui ne sont pas moins nombreux et moins marqués en Tunisie qu’en France ; mais, toujours en vertu du même principe, les avantages les plus marqués, au moins dans l’ordre pécuniaire, vont de préférence au personnel français. Son avancement est assuré dans des délais déterminés ; sous le coup de peines disciplinaires graves, il bénéficie de garanties spéciales de défense. Soigné en cas de maladie, secouru en mainte occasion, titulaire d’indemnités