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reflet sur la mer. Elle brilla splendidement et, auprès d'elle, des étoiles brillèrent aussi, avec tant d'éclat qu'elles en étaient élargies. Et le ciel tourna du bleu au vert, puis à l'outremer et au violet sombre.

Le Parthénon fut en or ; et en or, les Caryatides fines et fortes de l’Érechthéion. Autour des monumens circulèrent des vapeurs blondes.

Puis, dans le silence pathétique et délicieux, les minutes se précipitèrent ; la fantasmagorie céleste hâta ses prodiges, multiplia ses folies rouges, et jaunes, et bleues, et vertes : et l'éther limpide se teignit de toutes les couleurs, comme font, ailleurs, les nuages.

Cependant, sournoise, l'ombre se glissa dans le paysage et bientôt y fut souveraine. Un vent frais et léger passa, comme un frisson. L'atmosphère se contracta.

Et alors, tandis que s'évanouissait la gloire de rayons où les dieux du sourire avaient leurs auréoles, un tintement de cloches s'éveilla, puis un autre, et puis d'autres. Les églises d'Athènes, la Panaghia, Saint-Nicodème, Saint-Jean, Saint-Denys l'Aréopagite, les Saints-Théodore, Sainte-Photine, Sainte-Irène et Saint-Constantin, sonnèrent l'angélus du soir. Un tintement fini, un autre commençait ; et plusieurs se réunirent ; et il y eut des notes qui, toutes seules, tombèrent dans le crépuscule, une à une, comme les grains d'un chapelet rompu. Les tintemens étaient vifs, acharnés ; et ils avaient la rapidité de la grêle.

Mais le silence qu'ils laissèrent après eux ne fut pas le même silence qui avait précédé leur soudaine arrivée. Quel silence ! Il avait l'odeur de l'encens qui fume et de la cire brûlante. Et il me sembla que, dans l'ombre où s'étaient enfuis les dieux du sourire, une fleur venait d'éclore, grise comme la cendre et chaude comme elle, une fleur de solitude, la fleur d'un sentiment nouveau, la piété.

Les légers dieux du sourire ne l’ont pas connue. Elle est née après leur départ.

Toutes les âmes qui en ont respiré le parfum lourd en sont à jamais imprégnées. Elles ont changé de nature et ne songent plus de même à la vie, à la mort, à l'espace et au temps. Le sourire enfantin d'Athèna les amuse et les étonne.

André Beaunier.