Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

logues, sont émouvans ; ils sont déconcertans, en outre. Et nulle part je n'ai senti que la pensée qui autrefois les suscita me fût parfaitement claire et intelligible. J'attrapais divers élémens de cette pensée ; mais je ne savais pas les joindre.

À Délos, l'île sainte, le culte apollinien subit le vulgaire contact du négoce ; et les décombres des chapelles se confondent avec la démolition des banques et des bourses. Éleusis, qui enseigna les formidables secrets d'outre-tombe et qui fut consacrée aux deux déesses, admit des obscénités honteuses et tout un rituel de plaisanterie. Épidaure réunit aux alarmantes pratiques du miracle médical une entreprise de ville d'eaux. Olympie n'assembla les dieux et n'opéra l'entente momentanée des peuples que par les agrémens d'une brutale gymnastique. Et Delphes, que divinisait la divulgation de l'avenir, est scandaleux par l'insolence des États qui ont dressé, plus nombreux que les temples, les monumens de la haine et de la fatuité.

En tout cas, c'est ainsi que nous apparaissent maintenant les sanctuaires helléniques. Nous y remarquons des mélanges bizarres, de singulières combinaisons, et qui parfois ont un air équivoque. Ils groupent des sentimens que nous n'avons pas accoutumé de voir ensemble, et nous n'arrivons pas à composer avec eux une synthèse vivante.

Entre les débris des architectures sacrées et profanes, je dénichais avec entrain des parcelles de l'âme grecque. Mais l'âme grecque m'échappait : une âme n'est pas seulement une collection d'idées. C'est le tourment qui me suivit durant les courses que je fis à travers le Péloponnèse, l’Attique, la Phocide et les îles. Ni les délices du soleil, ni la splendeur des paysages, ni l'amusement des visions nouvelles ne m'en divertirent. J'aurais voulu que l'âme de la défunte Grèce fût restée fidèle à ses sanctuaires abolis et qui ressemblent à des cimetières ; je l'ai demandée à ces lieux funèbres : elle n'y était plus.

J'ai cru qu'elle était morte.

Alors, j'interrogeai le Parthénon. Il ne m'a rien appris. Sa noble et illustre beauté m'enchanta. Mais, à vrai dire, je ne sais pas du tout comment fit Renan pour connaître de lui que la raison eût jamais gouverné l'esprit d'un peuple. Quand je me récitais les jolies phrases de la Prière sur l’Acropole, je songeais atout ce que j'avais entrevu déjà d'étrange et de déraisonnable, parmi les ruines de la Grèce. Pour que je vinsse à