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après, car l’expédition dans le Nivernais et les négociations préliminaires ont demandé nécessairement un certain temps. D’autre part, au mois de décembre, nous trouvons le roi du côté de la Lorraine dont il allait prendre possession par suite de la mort du roi de Germanie Louis l’Enfant, qui paraît être du 24 septembre. Dès le 27 novembre, il signe un diplôme concernant Saint-Mihiel, ce qui suppose qu’il était déjà reconnu roi de Lorraine. Trois semaines plus tard, une donation à l’église de Cambrai (20 décembre) est datée de Crutziacum, endroit non identifié, mais situé dans l’ancienne Austrasie, car Charles le Simple est à Metz le 1er janvier suivant. C’est très vraisemblablement après avoir appris la mort de Louis l’Enfant survenue en Bavière et dont il n’a pu avoir connaissance qu’au bout d’une dizaine de jours, que Charles le Simple, voulant avoir ses coudées franches en Lorraine, régla la question des Normands, soit vers la fin d’octobre. Le comte Robert ne l’accompagnera pas en Lorraine, peut-être parce qu’il suit à Rouen le duc Rollon dont il sera le parrain au commencement de 912.

Que se passa-t-il à Saint-Clair-sur-Epte ? Un traité en règle fut-il signé ? On n’en doutait pas autrefois, à l’heureuse époque où l’on ne doutait de rien. Le bon abbé du Moulin, dans son Histoire générale de la Normandie, écrite au XVIIe siècle, prétend que Charles le Simple fit expédier des lettres de cession en bonne forme, « lesquelles il signa et autorisa de son sceau aux fleurs de lys sans nombre. » Pour expliquer que cette pièce importante eût disparu, sans avoir jamais été vue par personne, on supposait qu’elle avait dû se perdre au moment de la conquête de l’Angleterre. C’était simple, trop simple. La vérité, c’est que les Normands d’alors n’attachaient aucune importance aux écritures. Rollon n’a jamais consacré par un acte les donations les plus solennelles faites par lui aux églises. Son arrière-petit-fils Richard II nous le dit expressément à propos de l’abbaye de Saint-Ouen de Rouen : « Notre aïeul Rolf a fait toutes ces donations sans les consigner dans des chartes pour que nul n’en ignorât à l’avenir, propriis cartulis ad notitiam futurorum minime descripsit. » Encore du temps de Guillaume Longue-Épée, cette indifférence persiste. Charles le Simple n’était pas dans le même cas. Les actes émanant de sa chancellerie sont assez nombreux, mais ce n’était pas à lui à trop insister, du moment qu’on ne le lui demandait pas, sur une cession qui pouvait être