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Francon évêque de Liège, qui, trente ans auparavant, avait baptisé un autre chef normand, Gottfried, et l’avait marié à une Gisèle, fille de Lothaire. Cette confusion, quoi qu’on en ait dit, serait difficile à concevoir si aucun archevêque de Rouen de ce nom n’avait existé. Mais Francon a bien existé, et c’est le successeur de Witton. En dehors de Dudon et de sa lignée, il est mentionné dans la « Translation de Saint-Ouen. » Toutefois, comme ce document paraît postérieur à Dudon et inspiré de lui, son témoignage n’est pas très probant. Nous avons mieux. Il existe à la Bibliothèque nationale, au fonds des manuscrits latins (n° 1805), une liste d’archevêques de Rouen où Francon figure comme successeur de Witton. Cette liste, qui s’arrête à Wigo ou Hugues (archevêque de 942 à 989), est antérieure à Dudon et indépendante de lui. Elle lève tous les doutes. Quant à Terreur de Dudon, elle reste une erreur, mais, du moment que Francon a existé et succédé à Witton, elle devient une erreur explicable, une simple erreur de date, non une grossière confusion de personnes. Une erreur ainsi réduite ne dépasse pas la dose d’inexactitude dont Dudon est coutumier. On a risqué l’hypothèse conciliante que Francon, avant de devenir archevêque, était déjà un haut dignitaire de l’église de Rouen, et qu’il pouvait, à ce titre, avoir pris part aux négociations, puis baptisé Rollon au nom et à la place de l’archevêque. C’est se donner une peine bien superflue pour pallier chez Dudon une erreur qui n’est ni la seule ni la plus extraordinaire qu’il ait sur sa conscience d’historien.

En dehors de Dudon, nous ne connaissons presque rien de ce qui se passa. Ce que Richer nous raconte manque tout à fait de clarté et de précision, et il y a dans son texte des ratures qui témoignent de ses incertitudes. Le rôle qu’il fait jouer au comte Robert n’a pourtant rien que de vraisemblable. Celui-ci, après la bataille de Chartres, aurait ramené à Paris un certain nombre de prisonniers, auprès desquels il aurait tâté le terrain. C’est après s’être assuré qu’ils étaient disposés à faire la paix et à se laisser baptiser, moyennant une cession territoriale, qu’il aurait mis en mouvement l’archevêque de Rouen. Le fait même que Robert sera le parrain de Rollon peut être considéré comme une confirmation de ce récit. En tout cas, Dudon est le seul qui nous parle de l’entrevue de Saint-Clair-sur-Epte ou même d’une entrevue quelconque entre Charles le Simple et Rollon. L’unique