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Normands convertis ou à convertir étaient encore trop exceptionnels et individuels en 900 pour que l’archevêque de Rouen eût besoin d’en référer à un confrère et celui-ci au Pape, tandis que la nécessité d’adopter une ligne de conduite bien arrêtée et approuvée par le Saint-Siège se faisait sentir au moment de la conversion officielle de tout un peuple.

Mais à quoi bon insister sur ces considérations ? Nous avons quelque chose de plus décisif. La mort du pape Jean IX, d’après les travaux les plus récens, doit être reportée au mois de mai 900. C’est la date qu’indique Jaffé-Lœwenfeld (Regesta pontificum romanorum, 2e éd., 1885-1888). C’est la solution à laquelle avait déjà abouti dès 1856 Joseph Duret dans les Geschiphtsblætter aus der Schweitz, t. II, p. 271-298. Même des ouvrages de vulgarisation comme la Grande Encyclopédie enregistrent cette date comme acquise : elle place en effet l’avènement de Benoît IV, successeur de Jean IX, au mois de mai 900. C’est aussi ce que donne le Trésor de chronologie de Mas-Latrie (1889). Il est clair que, si Jean IX est mort au mois de mai, il n’a pu répondre à une lettre de l’archevêque Hervé, devenu archevêque le 6 juillet suivant. La réponse est et ne peut être que du pape Jean X dont l’avènement est du mois d’avril 914. Hervé lui-même vécut jusqu’en 922 : il était en 914 en pleine possession de l’autorité spirituelle qui explique son rôle en cette occasion. Les Normands nouvellement convertis dont l’inconstance désole l’archevêque Witton sont ceux qui ont été baptisés en masse à la suite et à l’exemple de Rollon. Le témoignage de Richer confirme d’ailleurs cette thèse. Complétant ici Flodoard et ayant les mêmes sources à sa disposition, il dit formellement que c’est l’archevêque Witton qui fut prié par le comte Robert, après la bataille de Chartres, d’ouvrir les négociations et de préparer la conversion des Normands. Et il spécifie que c’est à ce moment que Witton fit appel aux lumières de l’archevêque Hervé.

Mais, dira-t-on, comment Dudon a-t-il pu commettre une pareille bévue ? Il en a commis bien d’autres. Il ignore complètement l’existence de Witton, il va jusqu’à croire que Francon était déjà archevêque de Rouen lors de la première apparition de Rollon à Jumièges, qui se place vraisemblablement vers 896 : les plus zélés défenseurs du doyen de Saint-Quentin sont bien forcés de reconnaître que tout cela ne tient pas debout. On a essayé d’expliquer l’erreur de Dudon par une confusion avec le