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vénération des fidèles jusqu’à nos jours, — jusqu’à l’époque des inventaires. Les Normands, pris entre l’enclume et le marteau, et craignant d’être cernés, se frayent un passage jusqu’à leurs bateaux, laissant beaucoup des leurs sur le terrain ou dans la rivière. Un corps assez nombreux, qui s’était trouvé isolé et coupé, se réfugia sur une colline voisine, la colline de Lèves, où il fut bloqué et d’où il ne s’échappa qu’avec de grosses pertes. La date de cet événement (20 juillet 911) est donnée par les Annales de Sainte-Colombe. Les pertes normandes sont l’objet d’évaluations assez concordantes, qui vont de 6 800 à 8 000 morts.

C’était pour les Normands un grave échec, mais il ne faut rien exagérer. Ils ne sont nullement découragés. On ne les poursuivit pas, on n’inquiéta pas le pays qu’ils considèrent déjà plus ou moins comme le leur. Les seigneurs qu’un danger commun avait momentanément réunis s’étaient séparés au lendemain de la victoire. Quant au roi, on ne l’avait vu nulle part et personne n’en parle. La situation pouvait encore se prolonger indéfiniment. Tout de suite après le siège de Chartres, on retrouve les Normands en train de piller le Nivernais : il est vrai que le duc Richard et l’évêque Géran les baltent au retour, mais rien de tout cela n’est décisif. Les Normands s’aperçoivent qu’on s’habitue à leur tenir tête et les échecs répétés qu’ils viennent d’éprouver doivent leur donner à réfléchir ; mais, d’autre part, il est reconnu qu’on ne peut ni les chasser, ni obtenir d’eux qu’ils se tiennent en paix tant qu’ils ne seront pas régulièrement possessionnés. Le grand résultat de la défaite de Chartres, c’est de les avoir rendus plus traitables, mais encore fallait-il traiter.

C’est l’archevêque de Rouen qui s’entremit, nous raconte Dudon, et on peut l’en croire sur ce point, car l’Eglise s’employait depuis une dizaine d’années à convertir les Normands et à rétablir la paix. Aux conciles de Reims de 900 et de Trosly (près de Soissons) en 909, les évêques se plaignent vivement de la triste situation du pays, des églises et des monastères, des désordres qui s’introduisent dans le clergé à la faveur de l’anarchie générale, et ils proclament la nécessité de mettre un terme à ce déplorable état de choses. L’archevêque de Rouen,