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aventureuses, on les verra au sud de la Bretagne en Aquitaine, jusqu’en Espagne, et même en Méditerranée, mais ils n’y pourront prendre pied.

Nous savons exactement ce qu’étaient les barques normandes. Elles n’étaient faites ni pour le combat, ni pour les longues traversées. On en a retrouvé plusieurs spécimens dont le plus connu et le mieux conservé est le bateau exhumé d’un tertre funéraire en 1880, à Gogstad, à l’entrée de la baie de Christiania. Le roi de la mer avait été enterré à son bord. La chambre funéraire a été violée et pillée à une date inconnue, mais le bateau est encore muni de ses agrès. Il comptait 32 rameurs, assis sur des espèces de strapontins, de manière à ne pas obstruer par des bancs le passage central. Il n’y a qu’un seul mât, pouvant s’abaisser à volonté. La longueur totale est de 23m, 80, la plus grande largeur de 5m, 10, la profondeur ne dépasse pas 1m, 20. Le fond est planchéié. Il n’y a pas de pont, on dresse une tente pour la nuit. La proue et la poupe sont semblables, très relevées et très recourbées. La proue est couronnée ordinairement d’un dragon. Le gouvernail est une rame placée sur le côté droit. Les rames ordinaires ont de 5m, 55 à 5m, 85. Sur le plat-bord sont rangés 32 boucliers ronds, alternativement noirs et rouges, de 0m, 94 de diamètre. Pour charmer les loisirs de la traversée, il y a même un damier, dont les cases sont munies d’une pointe et les pions percés d’un trou, de manière que les coups de roulis ne dérangent pas le jeu. Trois petits canots de chêne sont amarrés à l’intérieur.

Deux barques normandes trouvées depuis en Prusse orientale, à Frauenbourg et à Baumgart (1895), sont analogues, mais un peu plus petites. La dernière qui ait été exhumée, celle d’Oseberg (1904), dans la même région que Gogstad, est ornée de fines sculptures. Ces embarcations sont du type et de l’époque de celles qui sont venues au siège de Paris de 885. La plus grande avait de 60 à 70 hommes d’équipage, les autres un peu moins, ce qui répond à ce que dit un témoin du siège de Paris qui compte 40 000 hommes pour 700 bateaux. Partout où ils s’établissent pour quelque temps, les Normands installent des chantiers de réparation et de construction, par exemple à Walcheren, à Noirmoutier, à l’île d’Oscelle en face de Jeu-fosse, près de Bonnières (aujourd’hui île de Flotte). Ils y construisent les bateaux plus petits au moyen desquels ils