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le sien était terminé vers 996. Son grand défaut, c’est l’inexactitude, une inexactitude due parfois à une fausse recherche littéraire. Il est facile de s’en rendre compte en comparant le texte de Flodoard au sien pour la période où il l’a démarqué. Il brode sur ce qu’il ne sait pas en croyant faire du Salluste. Il n’est pas sans valeur comme écrivain, mais il en a une médiocre comme historien.

Pour parer à toutes ces insuffisances, nous trouvons heureusement quelques renseignemens dans certaines chroniques locales. Parmi celles dont nous aurons à utiliser le témoignage, citons au moins le « cartulaire de Saint-Père » de Chartres et la « Chronique de Nantes » qui sont du XIe siècle, l’« Histoire des évêques d’Auxerre » qui est du Xe, et les « Annales de Sainte-Colombe » de Sens, qui sont postérieures, mais qui ont pour base les Annales perdues de la cathédrale de la même ville. Ajoutons-y la littérature hagiographique, c’est-à-dire les « vies des saints » et les récits de « translations de reliques, » textes fort intéressans, mais qu’il faut consulter avec prudence, car ils se proposent d’édifier les fidèles, et non de les instruire. Il existe enfin quelques documens officiels, capitulaires, chartes de donations, actes des conciles, lettres de grands personnages, dont le seul tort est de n’être pas plus nombreux.

Nous n’entrerons pas dans la discussion des sources Scandinaves, dont les principales sont les « sagas, » récits merveilleux et légendaires transmis par la tradition, conservés principalement en Islande, où la vieille langue « noroise » s’est maintenue, jusqu’à nos jours, et recueillis seulement vers le XIIIe siècle. On y trouve des renseignemens de valeur sur les incursions normandes vers l’Islande, le Groenland et le Vinland ; on en trouve aussi sur les mœurs et la civilisation des vikings, encore qu’on ne puisse trop savoir à quelle époque précise se rattache la civilisation mise en scène. Pour ce qui concerne l’établissement des « hommes du Nord » en Neustrie, on n’en tire à peu près rien d’utilisable. Il en est de même du vieux Saxo Grammaticus, l’ancêtre de l’historiographie Scandinave, dont la grande histoire de Danemark, écrite vers 1200, est un tel mélange de légendes, de contes, de chants populaires, ramassés sans critique ni chronologie, qu’on peut à peine en extraire quelques éclaircissemens de détail.

Cette pauvreté de sources authentiques a surexcité