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Saint, » qui est ce que l’auteur voudrait être, dit très précisément : « L’Eglise est le trésor inépuisable de la vérité divine ; l’Eglise ne meurt pas ; l’Eglise ne vieillit pas ; l’Église a dans son cœur le Christ vivant mieux qu’elle ne l’a sur les lèvres ; l’Eglise est un laboratoire de vérité sans cesse en action et Dieu ordonne que vous restiez dans l’Église, que, dans l’Eglise, vous soyez des sources d’eau vive… Quelle est donc votre foi si vous parlez de sortir de l’Eglise parce que vous êtes choqués de certaines doctrines émanées de ses chefs, par certains décrets des congrégations romaines, par certaines visées du gouvernement d’un pontife ? Quels fils êtes-vous donc si vous parlez de renier votre mère parce qu’elle ne s’habille pas à votre guise ? Un vêtement change-t-il le sein maternel ? »

Notez encore que, selon « le Saint, » il ne suffit pas de croire ce que l’Église croit ; il faut encore pratiquer comme elle exige qu’on pratique : « Que chacun de vous accomplisse les devoirs du culte, ainsi que l’Église l’ordonne, selon une stricte justice et avec une parfaite obéissance. » Et enfin l’obéissance absolue aux décisions de l’autorité romaine est un des articles du credo du Saint. « Toute réforme doit être proposée par l’initiative individuelle ; elle ne doit être faite que par l’autorité. » Le crime spirituel, c’est la séparation. Personne n’a été plus profondément, plus essentiellement catholique que Fogazzaro.

Avec cela il avait une âme luthérienne, ou, si vous préférez la langue de Spencer, il avait une âme de luthérianisme. Il ne voulait de réforme du catholicisme que faite par le chef du catholicisme, mais il était affamé de réformes. Il ne voulait que l’Eglise se réformant elle-même ; mais il désirait passionnément qu’elle se réformât. Il a vécu dans l’attente et dans le souhait continu d’un Concile de Trente, et il a passé sa vie à le provoquer. Il ne voulait rien changer au dogme ; mais, le dogme excepté, il me semble bien qu’il voulait changer tout. La discipline est mauvaise ; l’esprit pratique est mauvais ; la morale est relâchée, les mœurs sont altérées, l’intelligence générale n’est pas au niveau de la civilisation actuelle, de telle sorte que l’Église n’est ni primitive, ni moderne et par conséquent ne peut pas avoir force d’action et n’est plus qu’un levain éventé. Il n’en dit pas moins. Inconsciemment, mais tout à fait, aux injures près, il a l’esprit de Luther et prend position de Luther.