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LA FILLE DU CIEL. SCENE VII

LEMPEREUR, L’IMPÉRATRICE. L’Empereur entre et s’approche. L’Impératrice demeure impassible, les yeux à terre. L’Empereur. — Fille du Ciel, daignez lever les yeux vers le vainqueur désolé qui s’incline devant vous ; daignez le regarder et vous souvenir; sans doute, vous le reconnaîtrez, mais puis- siez- vous le regarder sans haine ! L’Impératrice, comme absente et les yeux toujours baissés. — Pour le reconnaître, je n’ai besoin ni de réentendre sa voix, ni de revoir son visage. Dans mon esprit, la lumière s’est faite pendant les heures de ma captivité : avant d’entrer ici, je savais en quelle présence j’allais être amenée... (Un silence pendant lequel l Empereur reste incliné.) A la fille des Ming, que peut avoir à dire l’empereur des Tartares?... L’Empereur, regardant les mains de V Impératrice ^ qu’attache une corde de soie. — Oh! vos mains liées!... C’était pour vous défendre contre vous-même, que j’avais ordonné cela... Mais, à présent... (Il s’approche, mais avec hésitation, pour les délier. V Impératrice recule, en le regardant pour la première fois.) Oh! pardon... Devant vous, dans nion trouble inûni, je ne sais plus... C’est vrai, j’allais oser les toucher, vos mains meurtries... Et cependant vous m’êtes plus sacrée encore, ici, que là-bas, dans la splendeur... (Il frappe un coup léger sur le gong. Un officier paraît. A l’officier.) La grande maîtresse! Qu’elle vienne à l’instant même. (A la grande maîtresse, qui entre aussitôt et se prosterne.) Déliez les mains de l’Impératrice, et laissez-nous. (La grande maîtresse obéit et sort. Un silence.) Votre voix n’est plus votre voix. Vos yeux ne sont plus vos yeux. Vous êtes devant moi, et votre âme semble restée dans linappréciable lointain. Je ne vous attendais pas ainsi et vous me faites peur. La majesté de la mort est en vous. L’Impératrice. — On m’appelle au pays des Ombres. Per- mettez-moi bientôt d’en franchir le seuil; de vous, je ne puis accepter d’autre grâce. Mes fidèles, mes guerriers s’étonnent que je tarde à les rejoindre, et mon fils écoute s’il n’entend pas derrière lui, dans le sentier obscur, venir le bruit de mes pas. L’Empereur. — Votre fils!... Oh! votre fils!... Qui donc,