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commence d’abord par assumer celle-ci. Quant à M. le ministre des Travaux publics, il a encore renchéri, s’il est possible, sur M. le président du Conseil. Après avoir fait un véhément réquisitoire contre les Compagnies dont « le désaccord avec l’État éclate sur tout : employés, tarifs, grands travaux à exécuter ; pour le faire cesser, a-t-il dit, le ministre ne possède que des moyens qu’il ne veut pas employer, car ils se retourneraient contre le public lui-même ou les finances publiques. Il est donc désarmé. Le problème qui se pose devant vous est celui des rapports des grandes Compagnies de chemins de fer et de l’État désarmé. » Ce problème, quoi qu’en pensent MM. Moniset Dumont, ne peut pas être résolu par un acte de violence ou de spoliation ; il faut y mettre d’autres formes, mais nous doutons que M. le ministre des Travaux publics trouve celles qui conviennent. Quel étrange argument n’a-t-il pas employé, au cours du débat, pour faire céder les Compagnies ! — Nous vous avons rendu service pendant la grève, a-t-il dit ; c’est à charge de retour, donnant donnant. — Le gouvernement, qui n’était d’ailleurs pas celui d’aujourd’hui, n’a fait que son devoir pendant la grève ; il n’a pas de récompense à demander pour cela, et s’il en demandait une, on lui répondrait qu’on la lui a déjà donnée : on a mis entre ses mains tous les pouvoirs, toutes les ressources, tous les moyens d’action de l’État pour qu’il s’en serve au profit de tous et lui-même a été rétribué pour ses services. Quelle singulière prétention de venir dire aux Compagnies : Vous êtes mes débiteurs ! encore quelque chose !

Plus triste, peut-être, que le langage des deux ministres ont été l’attitude et le vote de la Chambre. Pas une voix ne s’est élevée pour répondre à MM. Monis et Dumont et on a voté l’ordre du jour suivant : « La Chambre, approuvant les déclarations du gouvernement comptant sur lui pour obtenir des Compagnies les mêmes mesures de réintégration que celles qui ont été accordées par l’État aux employés de son réseau, passe à l’ordre du jour. » Le vote a eu lieu par disjonction : la première partie, celle qui contient l’approbation, a réuni 341 voix contre 115, la réintégration 461 voix contre 5 et l’ensemble 356 contre 27. Quelques jours plus tard, M. le ministre des Travaux publics a adressé aux présidens des Conseils d’administration des Compagnies une lettre qui n’est pas le document le plus extraordinaire de la série. Elle reproduit l’ordre du jour de la Chambre, mentionne le chiffre des votans, renvoie à l’Officiel pour plus ample explication et exprime la certitude que les Compagnies répondront par des actes au vœu formel qu’au nom de la