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matérialiser cette liaison, bientôt, dans un nouvel élément, l’atmosphère, va entrer en jeu l’aéroplane. Les escadres qui déjà, même hors de vue, et grâce à la télégraphie sans fil, ne sont plus isolées du pays, se trouveront sans doute amenées à opérer avec l’aide des flottes aériennes. Par ces deux intermédiaires commodes pour porter l’un la pensée, l’autre un appui et des communications plus matérielles, le concours des bateaux et des régimens deviendra plus étroit. Une stratégie pourra se développer, organisant au mieux la convergence des armes dans une tactique appropriée. Elle aura l’avantage de toutes les concentrations.

On peut dire qu’alors l’armée complète ne se constituera avec ses trois ailes terrestre, maritime et aérienne, c’est-à-dire dans toute sa puissance unie, qu’auprès des côtes. C’est là, sous la double protection des formidables canons marins et de l’éclairage volant, que les troupes chemineront le plus sûrement ; là qu’elles pourront exercer tout leur effort. Les côtes ne dessineraient-elles pas ainsi les lignes d’invasion et de défense, les lignes de force militaires de l’avenir, comme elles se montrent déjà les lignes de force commerciales, les surfaces de transit du présent ? Au travers d’elles passent le flux de l’importation et le reflux de l’exportation ; au long d’elles circule le cabotage. De même, traversées déjà par le flux militaire des débarquemens, ou le départ des expéditions essaimantes, elles seraient encore longées, balayées par ces marées d’hommes que mettront en branle les futurs conflits européens. Elles formeraient le théâtre commun à la marine et à l’armée, rapprochées pour une coopération permanente. Personne alors ne niera qu’une flotte soit indispensable à la défense de notre sol.


VI

C’est une vérité que nous devrions admettre d’autant plus aisément qu’elle est à notre avantage. La marine représente, par excellence, l’arme des peuples pauvres en hommes et riches en capitaux. Tous les progrès de la mécanique et de l’organisation industrielles ont pour effet, ont pour but même d’augmenter le rendement individuel de l’homme en faisant, entre ses mains et à son œuvre, collaborer sans cesse plus largement les forces naturelles. La double condition de cet asservissement de la