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ce combat purement maritime, de flotte à flotte, se concevrait encore réduit au seul emploi de la torpille, et par conséquent livré par des flottilles : solution tentante pour ceux qui voient, dans la destruction des forces flottantes, l’unique but de l’action maritime. Nous venons de constater qu’ils oublient une part, la plus essentielle peut-être, de cette action, à savoir le combat amphibie de la mer au rivage et les opérations combinées. L’aide qu’une flotte peut prêter à des opérations de ce genre est en réalité sa raison profonde et primitive d’exister.

C’est qu’il n’y a pas deux espèces, entièrement différentes, de lutte armée ; il y a le règne de la force, qui s’exerce par tous les moyens, à la fois sur terre et sur mer : et c’est la guerre. Pour y servir, il y a dans chaque nation l’ensemble des moyens spécialisés : l’Armée. Cette armée comprend des armes diverses : infanterie, artillerie, cavalerie, marine de haute mer ou flottilles ; mais elle forme comme un organisme dont chacune des armes est un organe. Qui atteint l’organe blesse, diminue, parfois tue l’organisme, car celui-ci est un tout qui vit en chacune de ses parties. Ainsi de l’armée : en même temps qu’une proportion, il y a une solidarité entre ses armes diverses, et sa marine, en dépit des apparences, lui est indispensable au même titre que sa cavalerie.

La dualité apparente tient à la différence irréductible des deux élémens sur lesquels se meuvent les fractions terrestres et les fractions maritimes de l’armée, mais non à une opposition des intérêts ou des rôles militaires, pas même à une entière indépendance réciproque. Si cette dualité des domaines principaux rend nécessaire le plus souvent un dédoublement de l’action et des objectifs secondaires, l’union profonde reste vraie, et l’unité du plan d’ensemble s’impose toujours. C’est ce qu’avait bien compris Napoléon. Ce fut la pratique de tous les chefs de guerre dignes de ce nom. Dans son ouvrage classique sur l’influence de la puissance maritime dans l’histoire, le commandant Mahan a établi par quelques exemples la liaison indispensable des opérations maritimes et terrestres, par cela seul qu’il établit le retentissement fatal des premières sur les secondes.

Quelle preuve plus éclatante que le duel entre Rome et Carthage ! Impuissante tant que l’empire de la mer lui échappe, Rome ne réussit à prendre vraiment pied en Sicile qu’après la victoire navale de Duilius à Myles en 260. Pour qu’elle reste