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traité qui portait la double signature de M. Olney au nom de l’Amérique et de sir Julian Pauncefote au nom de l’Angleterre. C’était en 1897. Le traité fut soumis au Sénat américain qui l’accueillit avec froideur et finalement le rejeta. Ce souvenir peu encourageant montre qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. « L’action de M. Taft, a dit M. Balfour, est très louable et offre de brillantes espérances de succès. M. Taft, naturellement, devra convertir le peuple américain à ses idées, mais cela ne saurait être difficile à un homme qui jouit justement d’un aussi grand renom d’habileté politique. » M. Balfour a donc confiance ; on veut le croire, il veut le croire lui-même ; mais il montre ce qui reste à faire et ce n’est pas peu de chose. En tout cas, il a tenu à dire qu’un traité du genre de celui dont on a parlé ne pouvait pas être signé entre n’importe quelles nations, ce qui signifie qu’on aurait grand tort d’y voir un précédent susceptible d’être généralisé. Il ne saurait intervenir qu’entre nations parfaitement décidées à ne jamais se faire la guerre, parce qu’elles n’ont sur aucun point du globe des intérêts en opposition. À ce point de vue, M. Balfour a déclaré qu’il ne voyait aucun inconvénient à ce que le traité fût conclu entre l’Angleterre et l’Amérique. C’est un traité d’amitié qui serait bien près d’être converti en traité d’alliance et qui devrait l’être inévitablement, si une des deux nations contractantes venait à être attaquée par une troisième. Cette conséquence est de nature à faire réfléchir et elle a fait réfléchir effectivement ceux qui, soit en Angleterre, soit en Amérique, ne veulent pas s’engager jusque-là. En réalité, les paroles de M. Taft et celles de sir E. Grey ont laissé leurs deux pays assez indifférons, et si elles prenaient finalement la forme d’un projet de traité, nul ne peut prévoir quel en serait le sort définitif. L’histoire du traité Olney-Pauncefote, que nous avons rappelé plus haut, autorise à ce sujet tous les doutes. Enfin, si un traité de ce genre venait à être signé entre Londres et Washington, on ne pourrait en rien conclure pour les autres pays. C’est évidemment ce que pensait M. Balfour quand il a dit qu’aucune nation européenne, à sa connaissance, ne s’apprêtait à entrer dans le groupe d’arbitrage mentionné par sir E. Grey, et il avait encore plus raison que peut-être il ne le supposait, car à peine quelques jours s’étaient écoulés depuis son discours, que le chancelier de l’Empire d’Allemagne est venu lui donner la plus catégorique confirmation.


La discussion du budget des Affaires étrangères, au Reichstag, lui