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encore. Moins plastique et formelle, elle est surtout plus symphonique. Elle a même deux façons de l’être. Premièrement, à peine est-elle née, qu’aussitôt elle se multiplie. En outre, au lieu de se contenter d’une seule « partie, » d’une voix seule et de s’y complaire, elle se partage constamment entre toutes. Voix humaines, voix de l’orchestre, on sait d’ailleurs que le Beethoven de la Messe et de la symphonie avec chœurs a préféré celles-ci. L’unique solo de la Messe en , le Benedictus, c’est un violon qui le chante, et, d’un bout à l’autre de l’ouvrage, les voix sont assimilées ou soumises aux instrumens, quand elles ne leur sont pas sacrifiées.

Du sentiment aussi, du sentiment religieux, que n’y aurait-il pas à dire et à redire ! À cet égard, on a parfois contesté, sinon la valeur, au moins la signification de la Messe en . On a prétendu que par la liberté de l’interprétation subjective, par je ne sais quelles audaces du sens propre, la musique de Beethoven s’écarte de l’esprit strictement catholique ; on ajouterait, pour un peu, qu’elle y contredit. Rien de plus inexact. Au contraire il serait aisé de montrer comme, en tout, elle s’y rapporte et s’y conforme. Bien entendu, nous ne parlons ici que de l’œuvre, non de l’homme. Mais, dans l’œuvre, il n’y a de particulier, de personnel à Beethoven, que la grandeur et la sublimité de son génie.

Pendant les quelques jours où nous avons comme repris contact avec cette musique, un petit mais substantiel ouvrage vint à tomber entre nos mains[1]. Il est de piété, de la plus haute et de la plus profonde, de celle-là précisément dont il est impossible de ne pas trouver chez Beethoven la juste, la forte, la totale expression. Le livre aussi a pour sujet la messe, l’acte central et suprême du culte cathohque, si grande si redoutable à l’artiste qui s’en inspire, que Gounod s’écriait un jour : « La messe ! Par un pauvre homme ! Mon Dieu, ayez pitié de moi ! » Ce que le prêtre éminent, auteur de ce livre, a le plus éloquemment exposé, c’est le rapport de la messe avec certains sentimens et certaines vérités. La messe et l’adoration, la messe et l’action de grâces, la messe et la mort, la messe et la souiï’rauce, la messe et la demande : à chacun de ces chapitres, à chacune de ces relations mystérieuses et saintes, on montrerait sans peine qu’un épisode, une page de la Messe en correspond.

  1. La Messe et la vie chrétienne, par M. l’abbé de Gibergues, supérieur des Missions diocésaines de Paris. Ancienne librairie Poussielgue ; J. de Gigord, éditeur. Paris, 1911.