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alors acceptées sans peine par les populations, si elles étaient ordonnées par leur souverain légitime, agissant, d’après nos conseils, dans une connaissance raisonnée de ses droits et de ses devoirs.

C’est ainsi que les Anglais comprennent leur rôle dans les Etats semi-indépendans de l’Inde. Ils ne pensent pas à les absorber dans leurs possessions directes, car ils ont éprouvé les bienfaits d’un système qui leur assure à peu de frais le concours fidèle de 75 millions d’Indiens. Ils prévoient au contraire son développement au profit des familles déchues dont ils se ménagent ainsi la reconnaissante affection. Nous en trouvons un exemple dans la reconstitution partielle de l’Etat de Bénarès, décrétée en décembre 1910, et qui rend à Sir Prabu Narayen Singh, avec le titre et les prérogatives d’Altesse héréditaire et de chef souverain, un fief de 1 400 kilomètres carrés, habité par 362 000 sujets, enlevé à sa maison par droit de conquête en 1794. Nous aurions avantage à les imiter, au lieu de pratiquer une administration directe dont les plus visibles résultats sont les exigences tatillonnes, le froissement constant des caractères et des mœurs, le témoignage permanent de la sujétion, et qui multiplie néanmoins les abus qu’elle prétend supprimer.

Mais la confiance dans l’attachement intéressé des populations et des princes indigènes n’empêche pas les Anglais d’accroître sans cesse leur force matérielle, et de la préparer avec soin adonner en toute occasion son rendement maximum. Ils voient sans murmurer leurs dépenses militaires dans l’Inde passer de 375 millions en 1900 à 498 millions en 1906[1] ; ils approuvent sans les discuter les réformes de lord Kitchener qui brave toutes les routines et laisse à son départ, en 1910, deux armées solides, prêtes à toutes les éventualités, où l’élément indigène a vu si bien améliorer son sort que les tentatives de désaffection, faites par les agens des nationalistes, seront pratiquement sans effet. C’est ainsi que les soldes et les retraites ont été augmentées, le prestige de l’officier indien accru ; l’Imperial Cadet Corps fondé par lord Curzon attire les fils de grandes familles qui ne trouvent pas assez brillantes les situations honorables et suffisamment rétribuées des capitaines et lieutenans de la Native Army. En Indochine, au contraire, soit par

  1. Budget indien pour 1909-1910 : Recettes 1 843 772 500 francs, en diminution de 95 257 500 francs ; dépenses 1 838 000 000 fr., en augmentation de 12 042 500 fr sur l’année précédente.