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de la tentative criminelle put s’échapper. En décembre, la police découvrait les élémens d’une conspiration au Deccan où les élèves et les amis de Tilak sont nombreux ; elle faisait de nombreuses arrestations, dont celle du frère de Savarkar, et saisissait des documens intéressans, des armes, des munitions rassemblées pour l’assassinat de la population anglaise du district. Le meurtre inexplicable de M. Jackson à Nasik et l’enquête qui en fut la conséquence, avaient donné l’éveil sur les intrigues des brahmanes chitpawan et l’importation clandestine d’armes dans la province ; elle mit une fois de plus en évidence l’action pernicieuse de la presse révolutionnaire par les déclarations de l’assassin Kanhere, âgé de dix-huit ans : « J’ai lu maints exemples d’oppression dans le Kesari, le Rashtramar, le Kal et autres journaux. Je pensais qu’en tuant un sahib, j’obtiendrais de la justice pour le peuple. » Et le correspondant du Times conclut : « La presse a donc la responsabilité des attentats. Dans l’Inde, la fondation d’un périodique ne coule pas cher ; un profit net de 750 francs par mois paraît princier. Aussi le nombre des journaux augmente-t-il sans cesse… L’effet ne se fait pas seulement sentir dans les villes. A la campagne, les paysans se réunissent le soir autour du maître d’école qui fait la lecture et propage ainsi les calomnies contre le gouvernement, le paysan ayant foi dans tout ce qui est imprimé. »

Presque simultanément, on avait la preuve que de nouvelles tentatives étaient faites pour suborner les régimens indigènes de Calcutta ; le gouvernement observa la plus grande discrétion sur cet incident dont on ne connut que l’arrestation de dix soldats. A la fin de janvier 1910, un inspecteur musulman de la Sûreté était tué en pleine Haute-Cour de Calcutta par un Hindou âgé de dix-neuf ans, qu’une société secrète avait désigné pour faire disparaître dans la victime un témoin gênant trop bien renseigné sur plusieurs affaires de bombes et de pillages à main armée, sur l’organisation et les projets des conspirateurs bengalis. Le vice-roi se servit de cet exemple dans son discours d’inauguration du Conseil impérial, pour annoncer la proposition de mesures énergiques de protection contre l’esprit nouveau. Le procès des accusés de l’affaire Jackson venait en effet de se terminer par des sanctions rigoureuses : trois condamnations à mort, trois à la transportation perpétuelle, une à deux ans de réclusion ; il avait confirmé tout ce que l’on savait